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Union interparlementaire  
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RAPPORT DE LA COMMISSION PERMANENTE DE LA PAIX ET DE LA SECURITE INTERNATIONALE

dont la 131ème Assemblée de l'UIP a pris acte
(Genève, 16 octobre 2014)


La Commission permanente de la paix et de la sécurité internationale s'est réunie à Genève, du 13 au 15 octobre, à l'occasion de la 131ème Assemblée de l'UIP. Mme Z. Drif Bitat (Algérie), Vice-Présidente, a présidé les séances en l’absence d’un président élu.

Durant sa première séance, le 13 octobre, la Commission a organisé, pour la première fois, une audition sur la mise en application de la résolution de l'UIP adoptée au Cap en 2008 intitulée Trouver un équilibre entre sécurité nationale, sécurité humaine et libertés individuelles, et déjouer la menace qui pèse sur la démocratie : le rôle des parlements. Le choix de cette résolution s’est fait, non seulement en raison de sa grande pertinence à l’heure actuelle, mais aussi parce qu’une vingtaine de parlements avaient rapporté la mise en œuvre de plusieurs articles du dispositif en remplissant leur obligation statutaire de présentation d’un rapport annuel. Les exposés de deux intervenants ont précédé les débats.

Dans un premier temps, Mme B. Jónsdóttir (Islande) est intervenue, en tant que personne ressource, sur l’aspect libertés individuelles et sécurité humaine. Elle a insisté sur le fait qu’ère numérique et vie privée pouvaient être des concepts contradictoires et que si la vie privée n’était pas respectée, la démocratie ne pouvait pas être fonctionnelle puisque les piliers sur lesquels elle repose sont notamment la vie privée, la transparence, la responsabilité et la liberté d'expression. Elle a expliqué avoir elle-même été victime de violations des droits de l’homme, après avoir coproduit une vidéo, diffusée par Wikileaks.

Rapprochant la capacité qu'ont les pouvoirs publics d'espionner les citoyens par-delà les frontières de la mise en œuvre de la résolution de 2008, Mme Jónsdóttir a déploré le déficit de mise en œuvre du paragraphe 24, qui "demande aux parlements d’évaluer la portée des dispositifs de surveillance mis en place par des organismes publics et privés et la quantité de données que ceux-ci collectent, d'évaluer toute modification de l'équilibre entre citoyen et Etat et, ce faisant, de veiller à ce que les lois soient conçues et appliquées de manière à tenir compte de la rapidité des progrès technologiques". Selon elle, si ce paragraphe avait été transposé par tous les parlements du monde, elle n’aurait pas eu à subir une atteinte à sa vie privée.

M. P. Martin-Lalande (France) est intervenu sur l’aspect lutte contre le terrorisme. Il a parlé de l’arsenal juridique dont s’est doté son pays, qui traduit la volonté et la nécessité de s’adapter sans cesse aux nouvelles formes de terrorisme et à l'intensité croissante du phénomène. Il a évoqué la mise en œuvre effective du paragraphe 5 de la résolution dans lequel l'Assemblée : "prie instamment les parlements nationaux d’adopter une législation antiterroriste efficace, conformément aux instruments et engagements internationaux pertinents, notamment la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies, et d'évaluer cette législation à intervalles réguliers pour en assurer pleinement la compatibilité avec la sécurité nationale et les libertés individuelles". Il s’est aussi intéressé à l’encadrement strict de la restriction des libertés publiques, puisque la législation anti-terroriste touche de près le champ très sensible des libertés individuelles. Il a expliqué que le législateur cherche toujours à concilier, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens, et, d’autre part, l’exercice des libertés garanties par la Constitution : liberté de mouvement, inviolabilité du domicile privé, secret des correspondances et respect de la vie privée.

Les débats ont permis à chacun de s’exprimer sur les différents aspects de la résolution. Plusieurs participants ont fait part de la difficulté de trouver l’équilibre préconisé dans la résolution. D’autres ont présenté les systèmes qu’ils ont mis en place et les conséquences qu'ils ont eues tant en matière de sécurité nationale qu'en ce qui concerne la protection des libertés publiques.

A la clôture de l’audition, Mme Jónsdóttir a conclu en appelant ses confrères à veiller à ce que les lois de leurs pays soient respectées et que des textes universels, tels que la résolution de 2008, soient mis en œuvre pour défendre le droit à la vie privée et protéger les citoyens de la surveillance généralisée.

M. Martin-Lalande a, quant à lui, proposé que la résolution de 2008 continue de faire l’objet d’un suivi, notamment par la création au sein de l’UIP d’une sorte de tableau de bord de sa mise en œuvre, ce qui permettrait d'en débattre régulièrement et de la faire "vivre" en demandant aux membres des rapports périodiques sur son application.

La Commission permanente de la paix et de la sécurité internationale s’est réunie pour la deuxième fois dans l’après-midi du 15 octobre. La réunion-débat a porté sur le thème de la cyber-guerre, qui sera probablement celui auquel la Commission consacrera une résolution à sa 132ème Assemblée à Hanoï (Viet Nam). L’objectif de la réunion-débat était de donner aux membres de la Commission l’occasion d’en apprendre davantage sur les questions liées à la cyber-guerre et d’échanger des vues avec les spécialistes dans ce domaine. Mme Z. Drif Bitat a ouvert la séance et présenté les experts qui prendraient la parole au cours des deux heures et demie de discussion :

  • M. Aapo Cederberg, Geneva Centre for Security Policy (GCSP)
  • M. Danil Kerimi, Forum économique mondial (FEM)
  • M. Laurent Gisel, Comité international de la Croix-Rouge (CICR)
  • M. Marco Obiso, Union internationale des télécommunications (UIT)

Elle a alors donné la parole à M. Cederberg, qui était chargé de modérer les débats.

Celui-ci a commencé par présenter le thème en soulignant l’importance, pour les Etats, de se doter d’une politique bien conçue dans ce domaine si crucial pour la sécurité et la qualité de vie. Il a ensuite décrit en détail les différents aspects de la question, expliquant ce qu’il fallait entendre par cyber‑espace, à savoir un domaine interactif composé de réseaux informatiques utilisés pour stocker, traiter et communiquer des informations. Il comprend l’internet mais aussi d’autres systèmes d’information sur lesquels reposent nos entreprises, infrastructures et services. Ainsi, il n’est pas seulement fait de matériel, de logiciels, de données et d’informations, mais aussi de personnes et de réseaux ainsi que de toute l’infrastructure qui permet l’interaction sociale. Il est passé ensuite à la définition de cyber-sécurité, laquelle comprend cinq niveaux : civil, technique, économique, politique et militaire. Pour chaque niveau,  la cyber-sécurité vise à surmonter les difficultés qui se posent grâce à  des outils efficaces permettant de prévenir et de combattre les phénomènes suivants :

  • cyber-guerre;
  • cyber-terrorisme;
  • cyber-espionnage;
  • cyber-criminalité; et
  • cyber-activisme.

M. Cederberg a conclu son exposé sur la question suivante: la cyber-défense va-t-elle devenir un nouvel aspect de la souveraineté et des politiques de défense ?

Les autres intervenants ont pris la parole pour développer les autres aspects de la cyber-guerre. Afin de centrer le débat sur le sujet principal, le représentant du CICR a indiqué aux membres de la Commission qu'il serait utile de se référer au droit international humanitaire pour encadrer la cyber-guerre et protéger ainsi la population civile.  Les participants ont reçu des éclaircissements sur les notions de cyber-attaque et de cyber-guerre, qui peuvent prendre des sens différents selon la personne qui les utilise. Cyber-attaque désigne une vaste opération de collecte d’informations, comme l’espionnage industriel, ou d’autres actes de cyber-criminalité, commis hors conflit armé. Ce type d’attaque n’est pas couvert par le droit international humanitaire. En revanche, la cyber-guerre désigne des opérations portant sur de vastes flux de données utilisés comme moyen de guerre.  L’objectif de telles opérations étant de semer la mort, la souffrance et la destruction dans le cadre d’un conflit armé, elles relèvent du droit international humanitaire.

Le CICR s’est dit préoccupé par la perspective d’une cyber-guerre, qui risquait d’avoir des conséquences humanitaires incalculables, faisant un grand nombre de victimes civiles et de dégâts. Rappelant l’article 36  du premier protocole additionnel de 1977, le représentant du CICR a précisé qu’il n’existait pas de vide juridique concernant le cyber-espace, car, en vertu de cette disposition, les nouvelles armes, les nouveaux moyens et les nouvelles méthodes de guerre relevaient du droit international humanitaire. La difficulté tenait à l’anonymat qui caractérise le cyber-espace et qui complique la tâche des Etats lorsqu’ils essayent d’identifier rapidement les auteurs d’attaques. La deuxième difficulté réside dans l’interconnectivité du cyber-espace, les mêmes réseaux, câbles et circuits étant utilisés par des utilisateurs civils et militaires, sans que l’on puisse distinguer les uns des autres. Il était donc fermement recommandé aux Etats d’appliquer le droit des conflits armés aux actes de cyber-guerre et de passer en revue leur législation applicable aux armes de guerre en vue de l’adapter aux nouvelles armes.

L’intervenant du FEM a rappelé que, s’il présentait des risques et des menaces pour la société, le cyber-espace offrait aussi des possibilités qui étaient tout à fait inimaginables avant l’internet. Il a précisé que l’hyper-connectivité de l’internet avait des conséquences fortuites et que l’aspect sécuritaire restait à la traîne des possibilités techniques. En outre, le coût des risques et de la sécurité des produits avait été négligé au moment de leur introduction. Les infrastructures de réseau étant majoritairement privées, il a souligné que l’inclusion des acteurs privés était cruciale.

Le représentant de l’UIT a, quant à lui, insisté sur la nécessité d’adopter une approche ascendante et d’assurer une coordination au niveau national pour sécuriser les infrastructures. Si les pays ne disposent pas d’un mécanisme d’inclusion de toutes les parties prenantes au niveau national, les efforts déployés au niveau international seront voués à l’échec. A son avis, la solution du problème passe par une combinaison de coordination nationale et de coopération internationale. Il a en outre précisé qu’il était nécessaire de faire la synthèse des divers points de vue au niveau national, puis de les transposer au niveau international.

En bref, les interventions des membres de la commission ont porté sur les points suivants :

  1. les aspects juridiques, l’importance de définir les notions de cyber-espace et de cyber-guerre dans de nouvelles lois nationales, ainsi que la nécessité de nouvelles conventions internationales;
  2. le besoin de coopération internationale, et en particulier le rôle des organisations internationales; l’importance de mesures de rétablissement de la confiance (aux plans national, bilatéral et mondial);
  3. la nécessité, en particulier pour les pays en développement, de programmes de renforcement des capacités permettant de rester au niveau pour être en mesure d’apporter des réponses technologiquement adaptées;
  4. la difficulté de trouver un équilibre entre sécurité des Etats et libertés individuelles – sachant qu’en particulier les populations les plus jeunes ne sont pas favorables à une réglementation stricte de la cyber-sphère;
  5. la question problématique de la diffusion d’informations erronées : notamment dans des pays en conflit comme l’Iraq, l’internet est souvent utilisé pour menacer des adversaires, répandre la terreur et diffuser de fausses informations auprès du public.

D’un point de vue général, tous ont préconisé l'adoption de mesures législatives et de normes internationales pour sécuriser la cyber-sphère; il a été demandé à l’UIP de stimuler le changement en promouvant de bonnes pratiques et en facilitant les échanges pour sensibiliser les parlements et encourager l’élaboration de lois pertinentes.

Le Bureau de la Commission permanente de la paix et de la sécurité internationale s'est réuni le 14 octobre 2014. Il a défini son programme de travail en vue de la 132ème Assemblée de l'UIP qui aura lieu à Hanoï (Viet Nam) en mars 2015. A cette occasion, la Commission débattra en premier lieu du projet de résolution sur La cyber-guerre, une grave menace pour la paix et la sécurité mondiale. Par la suite, la Commission sera appelée à étudier en plénière les différents amendements à la résolution afin de soumettre une résolution à l'Assemblée de l'UIP pour adoption.  En ce qui concerne la définition d'un plan de travail plus large, les membres du Bureau ont décidé qu'ils prendraient le temps de la réflexion et feraient, d'ici un mois, une synthèse de leurs différentes idées afin de présenter une proposition cohérente à la Commission lors de sa prochaine session.

Le Bureau s'est aussi intéressé au remplacement de M. G. Schneemann (Afrique du Sud) en tant que président de la Commission et a proposé que M. J.R. Tau (Afrique du Sud) soit élu à ce poste. Le Bureau a aussi proposé que M. A. Omari (Maroc) soit confirmé dans ses fonctions de vice-président de la Commission. Le 15 octobre 2014, la Commission permanente de la paix et de la sécurité internationale a validé ces propositions. Un siège du Bureau revenant au groupe  géopolitique de la région Asie-Pacifique est cependant resté vacant, ce groupe n'ayant pas proposé de candidat. Suite à l'élection au Comité exécutif d'un représentant du Groupe africain, un poste est désormais vacant pour ce dernier. A ce jour, le Bureau compte donc 16 membres.


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