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« Tous les processus de transformation politique faisant suite à un bouleversement majeur ont un dénominateur commun - trouver un moyen de résoudre les problèmes nationaux par un système équitable de représentation politique. »

Les Parlements ont-ils encore une raison d'être ?

Anders B. Johnsson, Secrétaire général de l'Union interparlementaire (UIP) – 2 avril 2012

Face au spectacle de manifestants affrontant des policiers au milieu des flammes devant le Parlement grec en février dernier, au moment même où les parlementaires y débattaient de mesures d'austérité, un correspondant de la BBC s'est hasardé à dire que, même si cette scène nous parvenait d'un pays dont le nom est profondément associé à la démocratie, les temps que nous vivions étaient tout sauf ordinaires.

Il y avait en filigrane dans cette remarque l’idée que, en période de crise, les parlements et la démocratie parlementaire sont, en quelque sorte, insignifiants voire inutiles.

Je m’inscris en faux.

C'est précisément lors des crises sociales, politiques et économiques profondes que l’existence d’un parlement fort, symbole de la démocratie dans le monde entier, est cruciale. L'histoire politique et les valeurs démocratiques qu’incarne l'institution parlementaire résonnent encore puissamment chez nos congénères partout dans le monde.

Certes, les parlements font face à des attentes toujours plus grandes des citoyens, et leur action est soumise à un examen plus méticuleux que jamais, en raison notamment de graves manquements constatés ici et là, et aussi de leur difficulté à exercer l’une de leurs fonctions clés, qui consiste à tenir les gouvernements comptables de leur action.

Il est non moins clair que, partout dans le monde, les parlements sont confrontés à une profonde crise de confiance à un moment où les attentes du public vis-à-vis de la démocratie se font de plus en plus fortes. La confiance en l’institution parlementaire dans les démocraties bien établies d'Amérique du Nord et d’Europe est en recul.  Ainsi, la confiance dans le Congrès américain est tombée à 9 pour cent, niveau le plus bas jamais observé selon un sondage fait en 2011. Non moins inquiétants sont les faibles niveaux de confiance en l'institution parlementaire dans les autres grandes régions du monde.

Mais, comme le montre le Rapport parlementaire mondial, nouvelle publication produite conjointement par l'Union interparlementaire (UIP) et le PNUD, les parlements sont indissolublement liés à l'idée de légitimité de l’Etat.

Les parlements sont, après tout, un lien irremplaçable et puissant entre citoyens et gouvernants, et les fonctions et prestations qui leur incombent ne peuvent être assurées par aucune autre entité. Raison pour laquelle 190 pays sur 193 sont dotés d’une assemblée parlementaire, sous une forme ou une autre.

Dès lors, il n’est pas étonnant que la mise en place d’une démocratie parlementaire authentique suscite l’espérance d’un nouveau départ, au lendemain du Printemps arabe qui a démontré l'importance du Parlement pour des citoyens désireux de mieux faire entendre leur voix en politique et aspirant à plus de démocratie.  L'Union interparlementaire (UIP) travaille avec ces pays pour les aider à avancer dans cette voie.

Ces pays ne sont pas seuls dans ce cas. Tous les processus de transformation politique faisant suite à un bouleversement majeur ont un dénominateur commun - trouver un moyen de résoudre les problèmes nationaux par un système équitable de représentation politique. L’élection d’un parlement, ou d’une assemblée sous une forme ou une autre, figure toujours en haut de l'agenda politique au sortir des crises.

Mais nous oublions tous ce que cela implique. La relation entre électeurs et parlementaires élus n’est pas une relation à sens unique et, si cette vérité venait à être ignorée ou négligée, le coût politique et humain pourrait en être considérable.

Les parlements doivent être associés beaucoup plus étroitement aux attentes d'un public désireux d'un plus grand engagement démocratique auprès de l'institution qu’il élit, et pas seulement pendant les périodes électorales.  Il ne s'agit pas simplement d'électeurs qui veulent en savoir plus sur ce que le Parlement fait au quotidien et avoir leur mot à dire, mais aussi de ce que les électeurs exigent des parlementaires.

Conscients de cette nécessité, nombre de parlements, sinon la plupart, ont déjà pris des mesures pour mieux informer le public sur ce qu'ils font et sur les résultats qu'ils obtiennent. On citera à ce propos l’amélioration des sites Web, le recours aux médias sociaux, les journées « portes ouvertes » ou, dans le cas de l'Afghanistan, des émissions de radio reliant les parlementaires, qui sont à Kaboul, à leurs électeurs des zones rurales reculées, et dans le cas de la Namibie, un bus du Parlement qui parcourt la brousse pour y recueillir des contributions des citoyens au travail législatif.

Partout dans le monde, les parlementaires nous disent qu’ils consacrent de plus en plus de temps à leur travail de terrain dans leur circonscription parce que les électeurs considèrent que la vocation première d'un parlementaire est de répondre aux attentes individuelles ou locales. Dans certains pays africains, cela peut aller jusqu’à prendre en charge le coût des funérailles d’un électeur. En conséquence, certains fonds de développement des circonscriptions ont été profondément restructurés pour mieux servir les collectivités locales.

Mais toutes ces mesures et d’autres encore restent insuffisantes pour ce qui concerne l’exercice d’une véritable influence des citoyens sur le travail parlementaire. Les quelques initiatives prises en la matière sont l'exception.

En outre, les parlements ne semblent pas en mesure d’utiliser plus efficacement leur pouvoir législatif et leur prérogative de contrôle de l’action des gouvernements. La crise financière en est une parfaite illustration.

Si les parlements veulent redresser leur image, ils doivent veiller à ce que le public puisse faire entendre sa voix dans le travail législatif, et ils doivent respecter scrupuleusement des normes élevées de probité et de transparence.

Pour sa part, le public doit veiller à ce que les réformes parlementaires, comme la limitation du mandat d’un représentant, ne brident pas les fonctions cruciales du Parlement que sont le travail législatif et le contrôle de l’action gouvernementale. Faute de quoi, les parlements sont condamnés à décevoir et la démocratie en pâtira.

Anders B. Johnsson
Secrétaire général de l'Union interparlementaire (UIP)