En-tête du e-Bulletin de l'UIP No.19, le 15 octobre 2009   

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REINSTAURER LE MANDAT IMPERATIF ?

La démocratie se fonde sur la participation des peuples à la gestion des affaires publiques par le biais de représentants élus. La façon dont ces représentants, une fois élus, doivent exercer leur mandat ne fait pas l'unanimité. Sont-ils tenus par l'orientation prise par leur parti politique, par leur électorat ou qui que ce soit d'autre, ou leur seule obligation est-elle à l'égard du bien commun, ce qui leur donnerait toute liberté pour s'exprimer et voter comme le leur dicte leur conscience et une analyse dépassionnée de la situation ? Dans son célèbre discours de 1772 à la population de Bristol, Edmund Burke présentait les deux visions, à savoir la notion de Parlement en tant qu' « assemblée délibérante d'une nation, défendant un intérêt, à savoir celui du tout » et celle d' « une congrégation d'ambassadeurs représentant des intérêts divergents et hostiles que chacun doit défendre en s'en faisant l'agent et l'avocat face à d'autres agents et avocats ».

Mandat impératif ?
Cette seconde vision d'un mandat impératif, tenant les parlementaires aux instructions reçues de leur parti politique ou de l'électorat, a été concrétisée dans les anciens Etats communistes. Elle a dans une large mesure laissé la place au « mandat représentatif libre » caractérisant l' « assemblée délibérante » guidée par le bien commun et garantissant la liberté d'expression essentielle pour le bon fonctionnement du Parlement, sa représentativité et, par conséquent, la démocratie.

L'exercice du mandat représentatif libre est toutefois limité par un grand nombre de facteurs. Les partis politiques disposent de mécanismes veillant à ce que « leurs » parlementaires votent dans le sens du parti. Les chefs de file, les groupes formés au sein des partis politiques ou rassemblant des membres de même sensibilité, dont l'objectif est de faire appliquer la discipline du parti, existent dans pratiquement tous les parlements. Cet objectif est sans doute dans une certaine mesure justifié car, en l'absence de tels mécanismes, les partis politiques seraient dans l'impossibilité de remplir leur fonction vitale d'élaboration des politiques. Reste toutefois la question de savoir quelles conséquences entraînerait pour un parlementaire le refus de voter comme le parti l'exige de lui ou d'elle ou de critiquer la hiérarchie ou la politique du parti, ou de désapprouver une décision du parti. Au-delà des sanctions qu'ils peuvent prendre, les partis politiques doivent-ils avoir le droit d'intervenir pour qu'un parlementaire conserve son siège ou le perde ?

Le Comité des droits de l'homme des parlementaires de l'UIP a constaté avec une inquiétude croissante que des partis majoritaires sans cesse plus nombreux proposent et votent des lois prévoyant qu'un parlementaire perde son mandat s'il est expulsé de son parti, en démissionne, vote avec l'opposition, voire s'il ne suit tout simplement pas les directives du parti. Ces lois introduisent un mandat impératif de fait et, dans son sillage, un contrôle des partis politiques sur le Parlement. L'incidence négative de telles mesures sur la capacité des parlements à exercer un contrôle effectif n'est pas difficile à démontrer, les parlementaires commençant à éviter de poser des questions ou d'émettre des critiques de peur de perdre leur mandat. Ces mesures amoindrissent aussi la représentativité du Parlement en risquant d'exclure de son enceinte les critiques et l'opinion de l'électorat.

L'UIP a donc lancé une grande étude de ce phénomène qui a consisté, au cours de sa première phase, à examiner la Constitution, le règlement intérieur du Parlement, les lois électorales et les textes régissant les partis politiques de 162 pays choisis dans toutes les régions du monde. La première conclusion de ce travail est que la majeure partie d'entre eux soutient le mandat représentatif libre, au moins dans les textes de lois. Toutefois, 43 pays y ont mis des limites. La disposition juridique la plus couramment rencontrée prévoit que les parlementaires perdent leur siège s'ils quittent un parti politique, en démissionnent, s'en retirent ou en sont exclus sans s'affilier à un autre parti. Dans un nombre assez considérable de pays, se rallier à l'opposition est aussi sanctionné par la perte du mandat parlementaire et dans certains pays le simple fait, pour un parlementaire, de s'abstenir ou de voter sans tenir compte des consignes de son parti le prive de son siège.

L'UIP s'apprête maintenant à analyser ces lois et à étudier les pratiques qui permettent de fait aux partis politiques d'exercer un contrôle sur le mandat parlementaire. L'objectif de cette étude, qui sera prête en début d'année prochaine, est de contribuer à faire la lumière sur le lien très complexe existant entre les partis politiques et « leurs » parlementaires, ainsi que sur ses retombées sur la liberté d'expression.

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