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N°22
JUILLET 2006

SOMMAIRE

white cube Éditorial
white cube Rencontre avec Pascal Lamy
white cube Des législateurs sur le terrain
white cube Droits de l'homme
white cube Les femmes en politiques
white cube Coopération avec l'ONU
white cube Réunion-débat à Washignton D.C.
white cube Lutte contre le SIDA
white cube Coopération technique
white cube Évolution parlementaire
white cube Lu dans la presse

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Le Monde des Parlements
Les femmes en politiques

LES FEMMES, LES QUOTAS ET LA POLITIQUE :

ENTRETIEN AVEC MADAME DRUDE DAHLERUP

" L'heure est au changement. La tendance est bien réelle, même si elle fait l'objet d'une vive polémique ", a déclaré le professeur Drude Dahlerup, de l'Université de Stockholm, à propos des quotas et autres mesures visant à encourager les femmes à entrer en politique. Le professeur Dahlerup a publié la première étude mondiale sur l'utilisation des quotas (Women, Quotas and Politics, Routledge 2006). Elle répond aux questions du Monde des Parlements.

Mme. Drude Dahlerup Q : L'introduction de quotas, qui a pour but de faciliter l'accès des femmes aux fonctions parlementaires, suscite la controverse, y compris parmi les femmes. Pourquoi ?
Drude Dahlerup :
La question prête à controverse partout dans le monde. Un grand nombre de pays ont mis en place des systèmes de quotas, en dépit de la polémique dont ils font l'objet. Plus de 40 pays ont inscrit dans leur constitution ou dans leur législation des dispositions en faveur des femmes, et dans une cinquantaine de pays, les formations politiques ont adopté de leur propre initiative, et inscrit dans leurs statuts, des dispositions relatives à l'application de quotas ou de mesures similaires. Nous avons suivi le débat, analysé les arguments des uns et des autres et examiné une multitude de règlements, car ces quotas n'ont souvent qu'une dimension symbolique. Ils sont beaucoup plus efficaces s'ils s'accompagnent, par exemple, de sanctions à l'encontre de ceux qui ne les appliquent pas. Il importe également que les mesures visant l'application de quotas soient ciblées et très détaillées. À titre d'exemple, le classement des femmes sur les listes électorales doit obéir à des règles très précises, comme c'est le cas au Costa Rica. En effet, il ne sert à rien d'avoir 50 % de candidates surune liste électorale si elles figurent toutes en queue de liste, car elles ont alors très peu de chances d'être élues.

Q : Comment expliquez vous l'adoption de plus en plus fréquente de mesures de ce type?
D.D. :
Dans certains pays comme la Suède, hommes et femmes se succèdent tour à tour sur les listes des partis. Il faut toutefois bien faire la différence entre les procédures accélérées et les systèmes de quotas mis en place par étapes. Aujourd'hui, certains pays en développement font mieux que les pays dans lesquels on recensait jusqu'à présent le plus grand nombre de femmes parlementaires. Les pays scandinaves, qui ont longtemps fait office de pionniers en la matière, avec entre 30 % et 40 % de femmes parlementaires, ont été évincés il y a deux ans par le Rwanda, où 48,8 % des parlementaires sont des femmes, contre 45,3 % en Suède. Le Costa Rica se classe en troisième position, devant le Danemark, la Finlande et la Norvège. Les pays récemment sortis de conflits - Afghanistan, Bosnie-Herzégovine, Iraq, Rwanda, Ouganda – ont du partir de rien. Mais aujourd'hui, il existe de multiples recommandations internationales, dont plusieurs émanent de l'UIP, et certains pays ont fait un bond en avant remarquable, sans commune mesure avec l'expérience vécue en Europe. Au Costa Rica, la proportion de femmes parlementaires est passée de 19 % à 35 % en une seule élection. Les pays scandinaves n'ont jamais fait aussi bien ! L'heure est visiblement au changement. La tendance est bien réelle, même si elle fait l'objet d'une vive polémique.

Q : Tout le monde s'accorde visiblement à reconnaître l'importance du rôle des femmes dans le domaine politique. Dans ce cas, pourquoi l'introduction de quotas se heurte-t-elle à une telle résistance ?
D.D. :
Cette résistance s'exprime de quatre manières différentes. Il y a d'abord la position anti-féministe de ceux qui considèrent que la politique est une affaire d'hommes et que les femmes doivent rester à la maison. Cette vision des choses ne présente guère d'intérêt. Il y a ensuite la position défendue par les anciens pays communistes, qui aiment à rappeler que des quotas étaient en vigueur sous le régime soviétique et qu'ils ne souhaitent pas les rétablir. En réalité, ces quotas ne s'appliquaient pas aux plus hauts échelons de l'appareil politique, où l'on ne trouvait que des hommes. Il y a aussi la théorie libérale selon laquelle tout est affaire de mérite, et non de sexe. Enfin, il y a la position la plus intéressante, celle des féministes, qui estiment que les quotas sont susceptibles de jeter le discrédit sur les femmes élues. Une autre question se pose : les femmes prêtes à entrer en politique sont-elles suffisamment nombreuses ? J'aurais tendance à dire qu'en règle générale, le problème ne se pose pas à l'échelle nationale, dans la mesure où il y a tout au plus 600 sièges à pourvoir dans les parlements nationaux, ce qui suppose de trouver 300 femmes compétentes. À mon sens, on peut y parvenir sans difficulté.

Q : Que répondez-vous à ceux qui refusent toute idée de quotas ?
D.D. :
Je plaide non pas en faveur des quotas, mais d'une plus grande participation des femmes à la vie politique. Il existe toute une panoplie de mesures qui peuvent se révéler très efficaces dans certaines conditions. Les quotas ne sont qu'une des solutions envisageables. Il faut aussi rappeler que les hommes sont élus depuis de nombreuses années sur la base de quotas officieux. Il est beaucoup plus facile pour un homme d'entrer en politique et d'être élu ou réélu. Je crois aussi que les quotas sont une mesure temporaire.

Q : Peut-on considérer que les quotas sont une forme de discrimination à l'égard des hommes ?
D.D. :
Non. Ce serait le cas si la situation de départ était équitable. Or, les hommes bénéficient d'avantages incontestables, et les quotas ne sont qu'un moyen de compenser la discrimination dont les femmes sont victimes. Le plus important est que les partis politiques prennent conscience de leur fonction de filtrage. Il est grand temps qu'ils recrutent des femmes et les fassent figurer en tête de liste, et non en fin de liste. Le système électoral doit lui aussi être modifié. Les pays doivent notamment prendre des mesures conformes à leur système politique. À titre d'exemple, dans les pays qui appliquent le système majoritaire, comme l'Inde, les États-Unis et le Royaume-Uni, la proportion de femmes est très faible : 15 % seulement au Congrès américain, et 19,5 % au Parlement britannique. Cette situation pour le moins embarrassante résulte en partie de la nature même du système électoral. Il convient donc de se poser la question suivante : comment appliquer des quotas dans un système majoritaire en n'ayant qu'un seul candidat par parti ? Dans un système de ce type, il faut s'y prendre autrement. Un autre facteur intéressant intervient aussi : je veux parler de l'importance grandissante que les pays attachent désormais à leur image internationale. La présence de femmes en politique est perçue comme un signe symbolique de démocratisation. Ce n'était pas le cas il y a quinze ans.

Q : Comment expliquez-vous que le Gouvernement suédois compte autant de femmes que d'hommes et que les femmes soient si nombreuses au Parlement suédois?
D.D. :
d'abord fait leur entrée dans le monde du travail et ont prouvé qu'elles étaient aussi instruites et compétentes que les hommes. La société suédoise est de tradition laïque et repose sur des principes éthiques social-démocrates. N'oublions pas que les femmes scandinaves ont du se battre pendant 70 à 80 ans pour en arriver là (voir aussi le site web www.quotaproject.org).

 


  " Une participation équitable des hommes et des femmes nous semble indispensable à un approfondissement réel de la démocratie "

ENTRETIEN AVEC MADAME MONICA XAVIER

La sénatrice uruguayenne Monica Xavier a été élue Présidente du Comité de Coordination des femmes parlementaires de l'UIP à Nairobi. Dans ce premier entretien, elle partage ses priorités avec Le Monde des Parlements.

Q : Vous avez été élue, à Nairobi, présidente du Comité de coordination des femmes parlementaires de l'UIP. Quelles sont vos priorités ?
Mme Monica Xavier, sénatrice uruguayenne et Présidente du Comité de coordination des femmes parlementaires de l'UIP (gauche) et Mme Beth Mugo, parlementaire kenyane, adjointe du Ministre de l'éducation et Présidente de la Réunion des femmes parlementaires à Nairobi.Sénatrice Monica Xavier :
Je m'attacherai, tout d'abord, à poursuivre la défense de cette juste cause, soutenue par l'UIP, qu'est la promotion de la participation politique des femmes. Une action qui s'enrichit sans aucun doute du travail en réseau mené par les femmes politiques dans chaque pays et entre les parlements. A cet égard, la mondialisation présente des opportunités que nous nous devons de saisir mais aussi des inconvénients, autant de défis qu'il nous faut relever ensemble. Aucun problème ou presque (traite de femmes et enfants, pandémie du VIH, violences familiales) ne saurait être résolu sans tenir compte de l'expérience d'autres pays; or l'UIP assure précisément ce lien indispensable entre nous tous, jouant par-là un rôle clé. On ne peut, par ailleurs, que déplorer l'insuffisance des échanges sud-sud entre femmes latino-américaines. Il est, en effet, évident, que du fait de nos origines, mais aussi de nos destins migratoires, de raisons culturelles et économiques entre autres, les liens avec les pays du Nord sont plus importants que ceux tissés avec nos homologues du Sud. La mise en place d'une relation plus étroite et de meilleure qualité constitue un grand défi, qui consiste à faire en sorte que les femmes contribuent de manière décisive à une culture de la paix dans le cadre du dialogue interculturel et multiculturel.

Q : Vous avez mentionné une culture de la paix, comment peut-on y parvenir ?
M.X. :
Encourager les sociétés et leurs représentantes politiques à engager des processus permettant de s'enrichir des différences culturelles et d'accepter les différences de valeurs d'une nation à l'autre, revient à contribuer grandement à la paix et à la compréhension entre les peuples. Aussi est-il important de soutenir les processus de communication dans le domaine des industries culturelles, qui reflètent au mieux nos différences et ressemblances, dans toute leur richesse et leur variété dans ce monde globalisé. La lutte contre le sexisme dans la publicité, contre les stéréotypes liés au genre dans les médias et, en particulier, contre les stéréotypes discriminatoires des cultures du sud compte au nombre des mesures les plus simples. Les enfants de notre hémisphère doivent être familiarisés avec leurs particularités régionales, mais tout en apprenant, à travers les jeux et l'éducation officielle, que leurs droits et leurs devoirs sont égaux partout dans le monde, quels que soient leur sexe, leur ethnie ou leur religion.

Q : Comment définiriez-vous la situation des femmes parlementaires en Amérique latine?
M.X. :
Les femmes sont sous-représentées dans les parlements d'Amérique latine. Notre région (20,7%) dépasse tout juste de 4% la moyenne mondiale qui est de 16,6%. C'est aux environs des années 1940 que les femmes du continent ont obtenu le droit d'élire et d'être élues mais les dictatures qui ont sévi dans plusieurs de nos pays au cours des années 1970 n'ont pas facilité, loin s'en faut, l'accès des femmes aux fonctions de représentation politique. Le pouvoir législatif n'est pas une exception puisque la même sous-représentation est à déplorer dans l'exécutif et le judiciaire. A l'heure actuelle, les femmes sont très présentes dans n'importe lequel de ces trois pouvoirs mais sans pour autant parvenir aux plus hautes responsabilités, freinées qu'elles sont par le fameux “plafond de verre” – expression que je fais mienne. En effet, en théorie, il n'existe pas de dispositions empêchant notre ascension sociale; mais, dans les faits, une telle ascension nous est interdite. Dans la région, les dernières élections – qui ont eu lieu au début de cette année – ont abouti à une participation plus large des femmes. Nous y sommes parvenues grâce à des mesures d'action positive - des quotas - qui, avec d'autres résultats favorables, ont élevé la moyenne générale des femmes en politique.

Q : Quel message souhaitez-vous faire passer à vos homologues de sexe masculin pour une coopération plus étroite entre hommes et femmes en politique ?
M.X. :
Une participation équitable des hommes et des femmes nous semble indispensable à un approfondissement réel de la démocratie. La moitié de la population ne peut demeurer exclue des cercles de décision suprême. C'est notamment le cas des parlements, qui ont pour vocation de représenter les intérêts les plus divers de la société. S'il est vrai, comme je le crois, que les femmes sont une catégorie sociale digne d'être représentée, nous avons encore beaucoup de chemin à faire sur la voie de la représentation des femmes dans les systèmes parlementaires, en particulier en Amérique latine. Pour autant, malgré des pourcentages encore faibles, la présence des femmes parlementaires en contact avec nos homologues de différents pays et oeuvrant en synergie avec des organisations sociales, est désormais plus visible. Nous avons plusieurs actions à mener : accroître la participation des femmes dans les parlements, promouvoir une législation allant dans le sens de la parité entre les sexes et contrôler son application par l'exécutif. Nous devons toutes et tous contribuer à l'approfondissement de la démocratie en apportant nos points de vues et expériences les plus divers.

Q : Que peut faire l'UIP pour promouvoir encore plus la participation des femmes dans les parlements ?
M.X. :
Beaucoup de choses ! Poursuivre la promotion des mesures de discrimination positive et effectuer une évaluation et un contrôle stricts des résultats, encourager la ratification, par les parlements, d'instruments internationaux et promouvoir les actions des parlements visant à abroger les lois discriminatoires, favoriser les échanges sur divers thèmes dans le cadre de séminaires, tables rondes, etc. Elle peut aussi promouvoir le débat et la législation sur la démocratisation des partis politiques, afin qu'ils intègrent dans leurs structures des mécanismes de discrimination positive, débattre de politiques sociales qui, en libérant les femmes d'une partie de leur rôle de reproduction sociale de la famille, permettent d'atténuer les effets de la double journée et favorisent ainsi une plus large participation politique de leur part, encourager les politiques de lutte contre les discriminations sur le marché du travail de sorte que la femme soit autonome des points de vue économique et social et puisse mener pleinement sa vie politique, promouvoir des politiques actives contre la violence domestique qui empêche la femme de jouer un rôle endehors de la sphère du foyer. Enfin, les parlements et l'UIP elle-même doivent donner l'exemple en présentant des structures de fonctionnement techniques et administratives et des réglementations qui favorisent la parité des sexes dans leur vie quotidienne.

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