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RAPPORT DE SYNTHESE DU SÉMINAIRE PARLEMENTAIRE
POUR L'AFRIQUE DE L'OUEST ET DU CENTRE

Organisé par l'Union interparlementaire
Ouagadougou (Burkina Faso), 12 au 15 mars 1996.

Le présent document est un résumé des débats tel qu'il a été présenté par le rapporteur, Mme Leyti Mbayang Ndiaye (Sénégal), à la fin des travaux.


Il me revient la redoutable tâche de vous présenter en l'espace de quelques minutes l'essentiel de nos travaux. Compte tenu de l'ampleur des thèmes abordés ainsi que des riches et féconds échanges qui ont eu lieu au cours de ces quatre derniers jours, il me sera impossible de présenter de façon exhaustive tous les points de vue exprimés ici. J'en appelle donc à votre compréhension.

En premier lieu, je voudrais évoquer quelques idées-force qui se sont dégagées des débats.

Il ressort tout d'abord de nos travaux que les participants ont vivement apprécié l'initiative prise par l'Union interparlementaire d'organiser le présent séminaire qui nous a permis de confronter nos différentes expériences et de procéder à un apprentissage collectif. Nous sortons tous de ce séminaire mieux éclairés sur nos rôles, droits et responsabilités et nous pouvons envisager avec optimisme l'avenir de la démocratie parlementaire dans la sous-région.

Par ailleurs, le Séminaire a mis en lumière le fait que la démocratie, et singulièrement la démocratie parlementaire, est sans doute plus avancée en Afrique qu'on ne le croit généralement. Forts déjà d'une certaine pratique, les participants ont ainsi pu échanger leurs expériences respectives et aborder les différents thèmes sous un angle concret, sans se cantonner à des principes abstraits ayant peu de rapport avec les réalités africaines.

Nous avons pu constater que la modernité n'appartient à personne et qu'il ne fallait pas penser en termes de mimétisme. Le problème pour les parlements africains est avant tout de disposer de moyens modernes. Ceux-ci ont un coût et toute la difficulté est d'arriver à tirer le plus grand parti possible de nos ressources en les évaluant avec réalisme.

Il est également apparu que, dans les démocraties dites avancées tout autant que dans les démocraties émergentes, il n'existe pas de solution définitive à tous les problèmes auxquels sont confrontés les parlements. Des efforts constants doivent être déployés au sein du Parlement, un combat permanent doit être mené pour promouvoir et ancrer la démocratie afin que les décisions qui sont prises par les pouvoirs publics le soient dans l'intérêt du peuple et que les gouvernants soient comptables de leurs actions devant le peuple à travers les représentants que celui-ci a librement choisis à la faveur d'élections libres et régulières.

A ce propos, la question de la représentativité des parlements a été longuement évoquée. Dans ce contexte, les participants ont souligné combien il était important d'associer toutes les couches de la société, notamment les femmes, ainsi que les différentes composantes ethniques, au processus de prise de décisions. C'est dans cette perspective qu'ils ont pris note avec intérêt des démarches en cours dans bon nombre de pays africains en vue de la création d'une deuxième Chambre qui souvent permettrait de mieux intégrer les collectivités locales ou les pouvoirs traditionnels. En outre, cette deuxième Chambre, de réflexion, ajouterait encore à la valeur des décisions du Parlement.

Enfin, nous nous sommes tous accordés à relever que la démocratie est le produit d'une attitude et que tout doit être fait pour promouvoir une véritable culture de la démocratie au sein de nos sociétés, tant parmi les élites politiques qu'au sein de la population tout entière. Une responsabilité particulière nous incombe à nous parlementaires; notre comportement doit nous placer à l'avant-garde de nos sociétés. Nous contribuerons ainsi par notre exemple et notre action à leur éducation démocratique et, en retour, l'émergence de sociétés où la culture démocratique sera mieux enracinée, rendra notre tâche plus facile et le fonctionnement d'un Parlement pluraliste plus aisé.

Je vais maintenant essayer de résumer l'essentiel de nos travaux sur des thèmes qui souvent se recoupaient, de telle sorte que certaines questions et idées ont resurgi à plusieurs reprises.

Dans la première partie de notre Séminaire, nous avons abordé les grands principes qui sous-tendent le fonctionnement des institutions de l'Etat moderne et notamment les rapports fondamentaux qui existent entre le Parlement et l'Exécutif. L'affirmation de Montesquieu que "seul le pouvoir arrête le pouvoir" nous a permis de comprendre qu'une confrontation entre l'Exécutif et le Parlement est inévitable; mais, en même temps, le fonctionnement harmonieux d'un bon système démocratique exige qu'une certaine forme de collaboration s'instaure entre ces deux pouvoirs. En tout état de cause, tout doit être fait pour qu'une éventuelle confrontation n'aboutisse pas à un blocage des institutions ni n'ouvre la porte à une solution de force mais puisse être résolue par le suffrage des électeurs.

Cette collaboration entre les deux pouvoirs est favorisée par le "pacte de solidarité politique" qui lie la majorité parlementaire au Gouvernement ainsi que par une certaine répartition des rôles, collaboration qui se manifeste dans les deux fonctions essentielles du Parlement que sont légiférer, d'une part, et contrôler l'action gouvernementale, d'autre part.

En ce qui concerne la fonction législative, la règle veut que le Gouvernement propose et que le Parlement dispose. Il n'y a sans doute pas lieu de s'offenser de cette primauté du Gouvernement qui fait que la vaste majorité des lois découle de l'initiative de l'Exécutif. Cela est dû au fait que celui-ci est mieux équipé en capacité technique et en ressources humaines et matérielles pour élaborer les textes. Par contre, l'important est que le Parlement puisse intervenir de façon décisive sur le contenu des textes pour que les lois adoptées soient de qualité et tiennent compte des réalités.

En matière de législation, le droit du Parlement de disposer est à la fois fort et essentiel. La force du Parlement tient aux débats publics, dont il a le monopole, et à sa capacité d'influer sur le contenu des textes qui lui sont soumis par le jeu des amendements; ceux-ci doivent émaner aussi bien de la majorité que de l'opposition. L'apport du Parlement est essentiel, car ses membres, par leur connaissance du terrain et leur contact avec la population, sont en mesure d'adapter les projets afin que les lois adoptées correspondent à la réalité que vivent les citoyens. Cela est important pour que la loi puisse être véritablement acceptée, ce qui favorise son application.

L'exercice de sa fonction de contrôle par le Parlement est certainement la pierre de touche de la démocratie en ceci que la qualité démocratique d'un système politique est essentiellement fonction des moyens de contrôle dont dispose le Parlement. Ce contrôle ne doit pas être le monopole de l'opposition; mais nous avons vu aussi combien il est nécessaire, en Afrique, que l'opposition ne soit pas accusée d'entraver la gestion des affaires publiques lorsqu'elle exerce cette fonction. Le Gouvernement ne doit pas considérer automatiquement comme suspecte toute tentative du Parlement d'exercer son contrôle. Pour leur part, les parlementaires devraient s'abstenir d'utiliser ce moyen pour mettre en cause systématiquement le Gouvernement. En dernière analyse, utilisés à bon escient, les différents moyens de contrôle contribuent à la promotion d'un équilibre dans les rapports de force entre les pouvoirs exécutif et législatif, cela au bénéfice d'un meilleur fonctionnement du système démocratique.

Nous avons longuement débattu des divers moyens par lesquels le Parlement peut exercer son contrôle sur l'action gouvernementale et la mise en application des lois, y compris la gestion du budget voté par le Parlement et les conditions dans lesquelles sont contractées des dettes qui engagent les générations futures. Nous avons ainsi passé en revue, à la lumière de nos expériences réciproques, les mécanismes à disposition, notamment les divers types de questions, ainsi que la formation ou la constitution de commissions d'enquêtes de diverses natures, en vue de rendre ces mécanismes plus efficaces.

L'exigence d'une décision prise à la majorité pour la constitution d'une commission d'enquête nous a semblé être une entrave sérieuse car mettant, en la matière, l'opposition à la merci de la volonté de la majorité. Les participants ont relevé la complexité de certains de ces moyens et, en ce qui concerne les commissions d'enquête parlementaire, leur caractère onéreux, ce qui limite quelquefois le Parlement dans son action.

Au cours de ces journées, nous avons vu combien il est important pour le Parlement de disposer d'une information adéquate, autant lorsqu'il travaille sur la législation que lorsqu'il s'attache à contrôler l'action gouvernementale. Le débat sur cette question a mis en lumière l'insuffisance notable de moyens qui permettraient aux groupes politiques ou aux députés individuels de recueillir les renseignements nécessaires au travail parlementaire. Les explications et les chiffres fournis par les experts européens nous ont fait ressentir l'écart considérable qui existe dans ce domaine entre les parlements africains et les parlements des pays développés, même si ces derniers estiment ne pas bénéficier encore de tous les moyens nécessaires. Des participants ont relevé que nos pays disposaient d'un réservoir de jeunes diplômés au chômage qui pourraient prêter leur concours aux parlementaires dans la préparation des dossiers de base dont ils ont besoin, si seulement quelques ressources supplémentaires pouvaient être mobilisées à cette fin.

Plusieurs d'entre nous ont insisté sur le fait que l'information devait se faire dans les deux sens et que le Parlement avait, tout autant que le Gouvernement, un devoir de transparence. Des efforts devraient encore être faits pour faire mieux connaître le travail du Parlement dans le pays, cela d'autant plus que le Parlement a tout à gagner à ce que son action soit mise en valeur et comprise par les populations qui, à défaut, peuvent être conduites à douter de sa raison d'être. Tout en relevant avec satisfaction l'émergence d'une presse libre, de nombreux participants ont observé que beaucoup restait à faire pour une meilleure prise en compte du travail parlementaire dans les médias.

Le fait marquant de la vie politique en Afrique, ces dernières années, a été l'émergence du pluralisme. L'existence d'une opposition est maintenant une donnée commune à chacun de nos pays, bien que le pluralisme et son expression se présentent sous des formes diverses. Personne n'a contesté l'intérêt que représente cette possibilité d'opinions différentes. Le pluralisme nous apparaît comme une donnée irréversible et les efforts doivent donc porter sur la gestion future de ce phénomène afin qu'il produise le meilleur effet possible pour nos pays.

Les débats auxquels nous avons procédé sur les rapports entre opposition et majorité ont donné lieu à des échanges extrêmement vivants qui ont illustré à la fois des diversités de situation et de perception, des frustrations et des espoirs. Cela nous a conduits à penser qu'il était important de pouvoir codifier cette confrontation entre majorité et opposition afin que, quelle que soit sa vigueur, elle ne mette jamais en péril les fondements mêmes de la démocratie mais, au contraire, favorise la bonne gestion du pays. C'est dans ce contexte qu'a été évoquée la nécessité d'instaurer un véritable statut de l'opposition offrant à celle-ci les conditions nécessaires à son fonctionnement normal dans le cadre parlementaire.

Pour que l'institution parlementaire elle-même puisse bien fonctionner, elle doit disposer d'un corps de fonctionnaires et d'agents, solide et bien organisé. Il est capital que les parlementaires puissent s'appuyer sur un Secrétariat efficace. La priorité dans l'organisation d'un secrétariat de parlement devrait aller aux services de commission, législatif et de procédure et de documentation. Ce corps de fonctionnaires devrait bénéficier d'un statut clair, leur garantissant à la fois stabilité et impartialité.

Dans ce domaine, nous avons pu constater à nouveau combien la question des moyens financiers était importante et combien la précarité de nos économies nationales rendait ce problème plus aigu. Il nous est apparu qu'après avoir, dans un premier temps, obtenu un rééquilibrage des pouvoirs politiques entre l'Exécutif et le Législatif, il était temps de s'atteler également à un certain rééquilibrage dans la répartition des ressources. Quels que soient nos efforts et même en modérant nos ambitions pour tenir compte des réalités, il nous sera difficile d'asseoir la démocratie parlementaire pluraliste sans une assistance extérieure, technique autant que matérielle. Nous avons donc noté avec satisfaction les intentions du PNUD, exprimées par sa représentante, de mettre tout en oeuvre pour développer les capacités institutionnelles de nos pays et nous espérons pouvoir mobiliser, notamment à travers l'Union interparlementaire, le soutien des pays qui ont suivi avec intérêt la profonde mutation de nos pays.

Nous avons longuement débattu entre nous des rapports entre les parlementaires et les citoyens. En cette matière, il est apparu que, au-delà du fond commun à tous les pays, des obligations supplémentaires pesaient sur les parlementaires africains du fait des particularités culturelles de nos pays. Nous avons noté avec intérêt certaines solutions qui avaient été trouvées, notamment la mise à disposition de chaque parlementaire, dans un pays représenté ici, d'une allocation permettant le financement d'un projet dans sa circonscription. Nous nous sommes tous accordés sur la nécessité de trouver les moyens d'amener nos concitoyens à modérer l'attente qu'ils ont à l'égard de leurs parlementaires sur le plan purement social et personnel et de les conduire à mieux comprendre ce que sont les véritables fonctions des députés.

Nous avons aussi procédé à un intéressant échange sur le rôle du Parlement et de ses membres en tant que gardiens des droits de l'homme. Nous avons pu évaluer les responsabilités qui sont les nôtres pour la défense des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tant à l'intérieur de nos frontières que dans le monde. Cet échange nous a permis de constater combien il était important que les parlementaires bénéficient eux-mêmes des garanties leur permettant de protéger leurs concitoyens. Le respect des immunités et une sécurité du mandat parlementaire nous sont apparus essentiels.

Réaffirmant le rôle du Parlement en tant que gardien des droits de l'homme, nous avons pu échanger des vues sur la contribution que nous pouvons apporter à la promotion et à la protection des droits de l'homme dans nos pays, par l'entremise soit d'instances spécialisées, soit des organisations non gouvernementales dont nous devons faciliter et appuyer l'action. Les participants ont préconisé la création dans chacun de nos pays d'une instance parlementaire pour les droits de l'homme, et ont insisté pour que celles qui existent déjà soient renforcées et pour que, entre elles, se réalisent une coopération et des échanges en vue d'une plus grande efficacité de leur action. Nous comptons pour cela sur le soutien de l'Union interparlementaire.

En tant que femme, je suis heureuse de souligner l'appel qui a été lancé afin que des efforts renouvelés soient déployés pour améliorer la condition de la femme en général et favoriser son accession aux sphères de prise de décision politique, un phénomène inéluctable dont nous devons hâter la pleine réalisation.

Notre époque étant marquée par une interdépendance croissante des pays et par une accélération des relations internationales grâce aux formidables progrès de la communication, nous ne pouvions pas conclure nos travaux sans consacrer également une part de notre attention aux relations et à la coopération interparlementaire et ce qu'il est convenu désormais d'appeler la diplomatie parlementaire.

Nous avons pu ainsi nous rendre compte de ce que des décisions nationales doivent tenir compte de ce qui se passe ailleurs dans le monde et que l'action du parlementaire ne peut actuellement être circonscrite au cadre national et doit s'étendre désormais au domaine international. Il nous est donc paru nécessaire d'ajouter une dimension parlementaire à l'action intergouvernementale. A cet égard, des organisations telles que l'Union des Parlements africains, à l'échelle régionale, et l'Union interparlementaire, à l'échelle mondiale, sont toutes indiquées pour canaliser et harmoniser les efforts des parlements.

Enfin, nous avons tenu à encourager l'Union interparlementaire à multiplier des rencontres du genre de notre séminaire. Nous avons estimé à ce sujet qu'elle devrait songer aussi bien à organiser d'autres réunions axées sur certains thèmes précis du travail parlementaire qu'à réunir des parlementaires d'expression anglaise, française, portugaise pour qu'ils puissent confronter nos systèmes parlementaires différents, car hérités du passé colonial de nos pays.

En terminant, je voudrais remercier l'ensemble des participants de la contribution qu'ils ont apportée au succès de cette réunion par leurs interventions et aussi de la sincérité avec laquelle tous se sont exprimés dans la richesse de leurs diversités politiques. Pour conclure, je voudrais dire à mes collègues combien je leur suis reconnaissante de m'avoir chargée d'être leur porte-parole à la fin de nos travaux.


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