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DECLARATION FINALE
DE LA REUNION PARLEMENTAIRE A L'OCCASION DE LA Xème CNUCED

Organisée par l'Union interparlementaire et l'Assemblée nationale thaïlandaise
en coopération avec le Secrétariat de la CNUCED

Bangkok (Thaïlande), 10 - 11 février 2000


Nous, Parlementaires nationaux élus par nos peuples pour les représenter, sommes réunis à Bangkok à l'invitation de l'Union interparlementaire et de l'Assemblée nationale de Thaïlande, à la veille de la dixième session de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Xème CNUCED).

Nous appelons les parlements et leurs membres à s'impliquer davantage dans le processus de négociation internationale sur les questions de commerce, de flux financiers et de développement. En tant que parlementaires, nous sommes les porte-parole de populations qui transcendent les divisions entre riches et pauvres, entre capital et main-d'oeuvre, entre secteur public et secteur privé, entre grandes et petites entreprises. Nous exprimons des préoccupations qui recouvrent un grand nombre de causes plaidées par divers groupes de pression et groupements d'intérêts. De plus, une participation parlementaire renforcée ne peut qu'être utile au développement. En effet, la démocratie, l'état de droit et un gouvernement transparent et responsable devant le parlement sont des éléments essentiels pour une bonne gouvernance et un développement durable.

Nous sommes persuadés que seul un renforcement de la solidarité et de la coopération internationale peut permettre à tous les peuples de bénéficier du processus de mondialisation et de la libéralisation du commerce. Notre participation à l'élaboration des grandes orientations mondiales en matière de développement à l'occasion de la Xème CNUCED revêt une importance particulière à l'heure où la communauté mondiale évalue le potentiel mais aussi les périls de la mondialisation et de la libéralisation du commerce pour la croissance économique et le développement, et formule des stratégies de développement afin que la mondialisation bénéficie à tous. Nous saisissons donc cette occasion d'exprimer devant la Xème CNUCED notre point de vue sur la situation actuelle en matière de mondialisation et de développement.

L'IMPACT DE LA MONDIALISATION

Les processus actuels de mondialisation et de libéralisation ont exercé des effets déterminants sur les peuples dans le monde entier, dans les domaines politique, économique, social, culturel et environnemental. Cette évolution ouvre certes des perspectives de croissance sans précédent pour le commerce et les investissements internationaux - eux-mêmes éléments moteurs de la croissance économique et du développement, mais elle peut avoir des effets néfastes sur le développement si elle n'est pas maîtrisée. La libéralisation des marchés financiers et des échanges commerciaux a alimenté la croissance économique de nombreux pays, mais tel n'a pas été le cas partout, en particulier dans les pays moins développés. La crise financière asiatique, dont les effets systémiques ont porté un coup au commerce international ainsi qu'au développement économique et social d'un grand nombre de pays dans cette région et au-delà, est un exemple patent des risques que présente une libéralisation rapide des marchés financiers et des capitaux lorsqu'elle ne s'accompagne pas de mesures appropriées de surveillance et de régulation et en l'absence d'un mécanisme efficace de gestion des mouvements de capitaux à court terme.

Pour un grand nombre de pays en développement, le régime actuel des échanges commerciaux établi sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) n'a pas produit les avantages escomptés. Les pays en développement considèrent que les pays développés n'ont pas encore pleinement rempli les obligations qui leur incombent au sein de l'OMC, qu'il s'agisse de la lettre ou de l'esprit des accords conclus, en particulier dans les domaines de l'accès aux marchés pour les produits agricoles et textiles. Divers obstacles non tarifaires ont été et continuent d'être instaurés. Ces pays considèrent en outre que l'OMC n'a pas encore égalisé les chances pour tous et qu'il leur faut donc un traitement spécial et différencié et une assistance technique, notamment en matière de formation professionnelle, pour s'acquitter des obligations qu'ils ont assumées au sein de l'OMC.

Ces préoccupations mettent en lumière la nécessité de renforcer la solidarité et la coopération internationale pour transformer les régimes internationaux en vigueur en matière de commerce, de financement et d'investissement en un système plus cohérent et propice au développement durable et à la croissance pour tous.

Qui dit régulation mondiale dit nécessairement normes et régimes internationaux et multilatéraux mais il faut que ces normes et régimes soient mis en oeuvre avec souplesse dans un cadre défini d'un commun accord. Il faut aussi qu'ils soient négociés pour que les préoccupations de divers groupes de pays soient dûment prises en considération et pour parvenir, à terme, à une situation où les intérêts des diverses parties seront respectés de manière équilibrée.

La préoccupation primordiale, à cet égard, doit être de veiller à ce que ces systèmes multilatéraux en gestation permettent aux divers modèles nationaux d'organisation politique, économique et sociale de fonctionner à l'intérieur d'un cadre général de normes et règles universellement reconnues. Nous sommes fermement convaincus qu'aucun système de mondialisation ne peut être acceptable s'il cherche à imposer des pratiques uniformes méconnaissant les valeurs sociales et culturelles qui, depuis des siècles, façonnent nos sociétés.

LIBERALISATION DU COMMERCE ET DEVELOPPEMENT HUMAIN

On s'accorde de plus en plus à considérer la croissance économique comme un moyen au service du développement humain. La croissance devrait se traduire par une amélioration des conditions d'existence des populations. Le commerce international en tant qu'instrument économique peut y contribuer en améliorant le niveau de vie et en créant des emplois, en suscitant une croissance soutenue des revenus réels, en éliminant la pauvreté et en permettant le développement durable.

Il faut créer des mécanismes pour que les fruits des échanges commerciaux soient largement partagés, y compris par les pays actuellement marginalisés. Tout en encourageant un commerce libre et équitable, nous devons veiller à ce que les chances soient réellement identiques pour tous. Il faut, à cette fin, qu'un traitement spécial et différencié pour les pays en développement et en transition soit envisagé. Il convient aussi de s'attacher au renforcement des capacités.

Le système d'échanges multilatéral institué dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce ouvre la perspective d'une libéralisation accrue des échanges et, partant, d'une expansion des échanges commerciaux. Pour aboutir à des résultats réalistes, le prochain cycle de négociations commerciales multilatérales doit se fonder sur un ordre du jour équilibré et à large assise, qui tienne compte des intérêts et des préoccupations de tous les participants. Les négociations agricoles devraient viser l'objectif à long terme d'une réforme fondamentale, tout en tenant compte des inquiétudes touchant la sécurité alimentaire et du rôle de l'agriculture dans la protection de l'environnement. Les obstacles à l'expansion des échanges agricoles doivent être revus d'urgence. Dans le secteur des services, l'objectif devrait être d'atteindre progressivement des niveaux plus élevés de libéralisation. Pour ce qui est des produits manufacturés, la question des obstacles non tarifaires doit aussi être traitée afin de sauvegarder les avantages découlant de la baisse des tarifs douaniers. La technologie étant la clé de l'accroissement de la productivité et de la compétitivité, il faut impérativement améliorer les mécanismes facilitant les transferts de technologie.

En tant que parlementaires, nous réitérons notre conviction que le bien-être économique et le développement social pour tous - les femmes comme les hommes, les pauvres et les exclus aussi bien que les nantis - peuvent être accrus par le développement du commerce international. Des mécanismes doivent cependant être mis en place pour que la mondialisation et la libéralisation conduisent bel et bien à des améliorations des normes relatives au travail et à l'environnement, à la protection de l'enfance, et plus généralement au respect des droits de l'homme. Nous appelons les gouvernements à mettre en œuvre une politique commerciale qui encourage un commerce libre et ouvert, sans visées protectionnistes dissimulées.

LA NOUVELLE ARCHITECTURE FINANCIERE INTERNATIONALE
ET LES RESSOURCES POUR LE DÉVELOPPEMENT

Depuis de nombreuses années, l'Union interparlementaire fait entendre la voix de la communauté parlementaire mondiale pour invoquer la nécessité d'une nouvelle architecture financière internationale afin de pallier les insuffisances des arrangements actuels, institués à Bretton Woods dans les années 40.

Avec la libéralisation rapide des marchés financiers à travers le monde, les flux de capitaux privés en tout genre se sont accélérés et amplifiés. Mais les bienfaits de cette libéralisation sont souvent réduits à néant par la fébrilité excessive des mouvements de capitaux à court terme, comme l'a montré la récente crise financière en Asie qui a eu des répercussions néfastes sur le commerce international et le développement social et économique dans la région et au-delà. Pour faire face à ces risques de la mondialisation, il faut plus que jamais instaurer une nouvelle architecture financière internationale.

L'instauration de cette nouvelle architecture doit viser à prévenir les crises, à instituer des mécanismes plus efficaces de gestion des risques et des crises, à renforcer la stabilité financière internationale pour promouvoir le commerce international et le développement économique, et à intensifier la participation des pays en développement à la réforme de l'architecture financière internationale. Parmi les objectifs souhaités, on citera une plus grande prévisibilité et une plus grande transparence des transactions financières internationales; le renforcement des mécanismes nationaux et internationaux de régulation et de surveillance des mouvements de capitaux à court terme et la mise en place de protections contre les attaques à caractère spéculatif; le partage des charges entre débiteurs et créanciers; le renforcement du rôle des prêteurs internationaux de dernier ressort et des mécanismes régionaux de soutien financier, y compris la question des conditions d'accès aux crédits du Fonds monétaire international. Nous considérons que la CNUCED est bien placée pour aider les pays en développement et les pays en transition à traiter de ces questions.

On observe aujourd'hui une tendance regrettable à minimiser l'importance et la l'utilité de l'aide publique au développement (APD), ressource vitale pour les pays en développement les plus pauvres qui n'ont pas, ou peu, accès aux capitaux privés internationaux. Le niveau actuel de l'APD est inférieur à 0,3% du PNB, ce qui est largement inférieur à l'objectif universellement admis de 0,7% du PNB des pays développés, et ne peut que susciter de vives préoccupations.

Il convient de rappeler, à cet égard, que dans le cadre des grandes conférences des Nations Unies des dix dernières années - comme le Sommet mondial pour le développement social et le Sommet mondial de l'alimentation -, la communauté internationale a proclamé l'objectif de l'élimination de la pauvreté absolue et de l'amélioration des normes en matière d'éducation, de santé et de sécurité alimentaire. Des normes et des objectifs internationaux de grande portée ont aussi été adoptés sur des dossiers économiques, sociaux et environnementaux tels que la promotion de la femme, l'abolition des pratiques discriminatoires, les droits de l'enfant, le travail des enfants, l'accès à l'eau et l'assainissement, la protection des forêts et de la diversité biologique. Nous réaffirmons notre point de vue, à savoir qu'un nouvel effort de revitalisation des flux d'APD vers les pays pauvres est indispensable pour que ces objectifs soient atteints.

Nous jugeons encourageantes les décisions récentes d'effacer la dette extérieure de pays pauvres en développement, mesure dont l'Union interparlementaire n'a cessé de se faire l'avocat. Il est maintenant essentiel de veiller à ce que ces décisions soient rapidement suivies d'effets afin que les pays intéressés puissent tirer parti au plus vite des avantages découlant de ces abandons de créances. Des concessions supplémentaires sont nécessaires, tant pour ce qui est des conditions de la dette que des montants annulés.

Nous sommes persuadés que la CNUCED peut jouer un rôle de premier plan dans le réexamen de la structure actuelle du financement du développement, afin de créer des mécanismes, au sein du système multilatéral comme dans les accords bilatéraux d'assistance, qui évitent à l'avenir l'accumulation de la dette extérieure des pays pauvres. La meilleure manière d'y parvenir consiste probablement à encourager les investissements étrangers directs durables et à octroyer des financements à des conditions de faveur, à titre de don plutôt que sous forme de prêt.

LA NECESSITE DE LA TRANSPARENCE ET DE NEGOCIATIONS EQUITABLES

Il est essentiel que tous les systèmes multilatéraux et internationaux - qu'ils visent le commerce, les flux financiers, les questions sociales ou la protection de l'environnement - soient transparents dans leur conception, dans leur application et dans leur fonctionnement. Si des progrès sensibles ont été accomplis ces dernières années pour accroître la transparence dans certaines organisations internationales, comme la Banque mondiale, les procédures de décision et les fonctions de divers organes multilatéraux demeurent opaques. Bien que ces organisations comptent dans leurs rangs la quasi-totalité des pays du monde, certaines décisions importantes sont prises par un petit cercle. Qui plus est, le fonctionnement de ces organismes est entouré d'un voile de secret, et l'accès aux informations pertinentes est réservé dans une large mesure aux gouvernements, à l'exclusion des parlementaires et de la société civile.

L'absence de transparence amoindrit l'utilité du processus de mondialisation et de gouvernance démocratique. Les concessions commerciales multilatérales obtenues dans le passé étaient le fruit de négociations ardues. Promouvoir le libre échange suppose donc la mise en place d'un environnement où des négociations équitables peuvent se dérouler dans la transparence à l'abri de la domination des puissances politiques et économiques. En notre qualité de parlementaires, nous exhortons la CNUCED et l'OMC à ne pas éluder la question de la transparence et de l'équité dans les négociations, avec la pleine participation de tous les pays, de crainte que le monde ne retombe dans le travers du protectionnisme.

Les institutions multilatérales doivent aussi instituer des normes de transparence et de responsabilité dans leurs processus de prise de décision et leurs actions au niveau mondial, régional et national. C'est là une question clé de la gestion du commerce international et du système financier international. Dans leurs pratiques, les sociétés transnationales doivent être non moins transparentes et se montrer ainsi responsables, particulièrement en ce qui concerne l'environnement, l'emploi et le social. Il faut accorder une attention particulière à l'élimination de la corruption dans les transactions commerciales et les opérations publiques.

En conclusion, nous appelons l'Union interparlementaire, organisation mondiale des parlements des États souverains, à poursuivre et approfondir le dialogue et la coopération avec les institutions multilatérales actives dans le domaine du commerce et du développement, en particulier l'OMC, la CNUCED et les institutions de Bretton Woods, dans le but d'assurer une dimension parlementaire qui permettra aux parlementaires de relayer les préoccupations des peuples du monde entier auprès de ces institutions et de contribuer à susciter l'adhésion du public aux activités qu'elles mènent. Par une plus forte implication des parlementaires dans la prise de décision en matière de développement au niveau mondial, le pouvoir législatif pourra largement contribuer à la mise au point des réformes et harmonisations législatives indispensables au processus participatif de mondialisation et de libéralisation des échanges.

MESURES DE SUIVI PARLEMENTAIRE

Nous recommandons en outre l'adoption des mesures ci-après par les parlements et leurs membres dans chaque pays :

  • veiller à ce que le Document final de la Xème CNUCED ainsi que la présente Déclaration soient diffusés dans les parlements auprès des commissions compétentes;

  • veiller en outre à ce que ces documents soient débattus dans les parlements et leurs commissions compétentes, y compris, si possible, lors d'un débat plénier;

  • faire plein usage de la fonction parlementaire de contrôle de l'action gouvernementale en vue d'assurer le suivi gouvernemental des conclusions de la Xème CNUCED.

Enfin, nous recommandons aux parlements et à leurs membres, par le truchement de leur organisation mondiale, l'Union interparlementaire :

  • d'inviter le Conseil de l'Union interparlementaire à adopter la présente Déclaration, et à en faire ainsi un texte directeur de l'Union interparlementaire sur le commerce, les finances et le développement;

  • de prier le Secrétaire général de l'Union interparlementaire de diffuser la présente Déclaration à tous les parlements représentés à l'Union interparlementaire, en les invitant à veiller à ce que son contenu soit porté à l'attention de toutes les instances parlementaires compétentes pour examen et information;

  • de prier l'Union interparlementaire d'établir un répertoire mondial de toutes les instances et commissions parlementaires chargées du commerce, des flux financiers et du développement dans le but de faciliter l'échange d'informations et de données d'expérience entre elles et avec l'Union interparlementaire et les institutions multilatérales intéressées;

  • d'inviter l'Union interparlementaire et la CNUCED à travailler en étroite collaboration dans le but de sensibiliser les parlements et leurs membres aux incidences des questions commerciales et des questions d'investissement sur les législations nationales et de leur apporter une assistance en la matière, y compris en organisant des journées d'étude parlementaires;

  • d'inviter l'Union interparlementaire à organiser une conférence mondiale spécialisée sur les questions de commerce, de financement et de développement en coopération avec les institutions multilatérales compétentes, qui se tiendrait à Genève au plus tard à la fin de janvier 2001;

  • d'inviter les organes directeurs de l'Union interparlementaire à créer une commission ad hoc chargée d'examiner les questions relatives au suivi parlementaire de la troisième Réunion ministérielle de l'OMC à Seattle et de formuler des recommandations appropriées.


    Programme et ordre du jour de la Réunion parlementaire à l'occasion de la Xème CNUCED

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