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LE ROLE DES PARLEMENTS DANS LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

Document d'information établi par l'Union interparlementaire à l'attention du Deuxième Forum mondial sur la lutte contre la corruption et sur la préservation de l'intégrité
La Haye (Pays-Bas), 28-31 mai 2001

L'Union interparlementaire (UIP), fondée en 1889 et ayant son Siège à Genève, est l'organisation mondiale parlements nationaux. Doyenne des institutions politiques multilatérales, elle a pour mission de renforcer la paix et la sécurité par le dialogue politique. Elle œuvre également à l'expansion de la démocratie et à un meilleur respect des droits de l'homme, ainsi qu'à la promotion d'institutions législatives représentatives et efficaces.

En tant que forum politique, l'UIP réuunit sur une base régulière des délégués des parlements du monde représentant tous les systèmes et l'éventail des courants et partis politiques. Par voie de résolutions et rapports, l'Organisation exprime les vues et positions de la communauté parlementaire mondiale sur des questions d'intérêt international et formule des recommandations aux fins d'action parlementaire.

L'UIP est une organisation internationale officielle coopérant étroitement avec le système des Nations Unies. Elle confère une dimension parlementaire au système en encourageant la participation et l'engagement directs des parlements nationaux et de leurs membres à l'action onusienne et en faisant bénéficier les Nations Unies d'un appui parlementaire à l'échelle internationale.

Le présent document a été établi par le Secrétariat de l'UIP comme document de travail pour le débat sur le rôle des parlements et des institutions supérieures de contrôle des finances publiques au Deuxième Forum mondial sur la lutte contre la corruption et sur la préservation de l'intégrité. Il expose la position de l'UIP sur la corruption et présente un certain nombre de recommandations aux fins d'action parlementaire et des mécanismes de lutte contre ce fléau.

L'UIP ET LA CORRUPTION

La corruption est un phénomène mondial qui frappe indifféremment pays développés et pays en développement et existe depuis toujours, pratiquement dans toutes les sociétés, bien qu'à des degrés divers. Bien que les manifestations de la corruption varient d'un pays à l'autre selon le niveau de développement économique et que l'attitude à son égard diffère quelque peu selon les cultures, il s'agit foncièrement du même fléau partout. Ces dernières années, la corruption a pris des proportions alarmantes, notamment en raison de la libéralisation et de la mondialisation des échanges, de l'introduction de technologies nouvelles et du rôle croissant des sociétés multinationales dans un contexte d'évolution politique et économique rapide.

La corruption menace sérieusement l'état de droit, la stabilité et la sécurité de la société, ainsi que l'équité de la répartition des ressources en ébranlant les valeurs et institutions démocratiques fondamentales et en compromettant le développement social, économique et politique ainsi que l'exercice des droits de l'homme.

Les liens existant entre la corruption et les autres formes de criminalité, particulièrement le crime organisé, le terrorisme, le trafic de drogues, le blanchiment d'argent et les autres manifestations de la délinquance économique au niveau tant national qu'international sont très préoccupants.

La confiance, la crédibilité et l'autorité de la puissance publique dans une société moderne et démocratique passent nécessairement par l'intégrité, la responsabilité et la transparence du système politique et de la fonction publique.

L'apparition de nouvelles formes de corruption qui viennent s'ajouter aux formes traditionnelles appelle une intensification de la coopération internationale, en particulier la mise en place d'un cadre juridique international et l'application immédiate des instruments internationaux pertinents.

Dans l'accomplissement de leur mandat prévu par la Constitution nationale, qui est de légiférer, de contrôler l'action de l'Exécutif et de représenter le peuple, les parlements ont un rôle clé à jouer dans la lutte menée à l'échelle mondiale pour éradiquer la corruption.

ROLE DU PARLEMENT DANS LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

1. ACTION PARLEMENTAIRE AU PLAN NATIONAL

a. Mesures législatives

Les parlements sont en majorité habilités à établir le cadre légal d'organisation et de gestion des affaires publiques et de la société. D'une manière générale, ils devraient œuvrer pour que soient inclus dans la Constitution nationale les grands principes que sont la probité des hommes et des femmes politiques, des institutions et des agents de l'Etat et la transparence de la fonction publique. Ils peuvent jouer un rôle particulièrement important, comme suit :
  • voter des lois anti-corruption incriminant la corruption et prévoyant des peines suffisamment sévères et d'autres mesures à même de prévenir toute récidive. Introduire notamment dans le code pénal, le droit administratif et tout autre domaine du droit des dispositions ne laissant aucun champ à la corruption et aux délits connexes, et prévoir des peines qui aient un effet dissuasif sur les délinquants potentiels;
  • établir des normes de probité à l'intention des parlementaires et d'autres personnalités publiques, y compris des ministres et d'autres agents de l'Etat et veiller à leur application. Ces normes consisteraient notamment en des codes d'éthique/conduite, une déclaration de patrimoine et régiraient les conflits d'intérêt, etc.
  • veiller à l'adoption de la législation de contrôle qui s'impose pour assurer la transparence et la responsabilité dans la gestion publique;
  • amener leur gouvernement à signer et/ou ratifier les instruments internationaux pertinents et veiller à aligner la législation nationale sur ces dispositions et à les faire appliquer effectivement;
  • veiller à l'adoption d'une législation consacrant la liberté d'information, qui oblige l'Exécutif à divulguer les informations jugées nécessaires pour les délibérations parlementaires, s'agissant notamment de l'examen d'affaires de corruption;
  • veiller à l'adoption d'une législation sur le financement des partis et les campagnes électorales, qui renforce la transparence dans le processus électoral, conférant ainsi plus de légitimité au parlement élu. Pareille législation devrait, entre autres dispositions, faire obligation aux partis et organisations politiques de déclarer leurs moyens de financement et prévoir de lourdes peines pour les transgresseurs;
  • veiller à l'adoption d'une législation pour prévenir toute corruption là où elle est particulièrement tentante, et ce par les mesures suivantes : garantir à chaque citoyen un niveau satisfaisant de protection sociale; introduire dans la fonction publique des structures de rémunération qui n'incitent pas à la corruption; prévoir des procédures administratives rapides et transparentes permettant à tous de participer dans des conditions d'égalité aux processus de prise de décisions;
  • renforcer les lois et réglementations afin de garantir l'équité en matière de procédures des marchés publics, de régime d'imposition et d'administration de la justice, etc.
b. Contrôle
Les parlements devraient tirer le meilleur parti des mécanismes constitutionnels et d'autres mécanismes juridiques pour contrôler l'action de l'Exécutif et assurer ainsi une gestion publique transparente et responsable. Ce faisant, ils sont appelés à adopter les mesures suivantes ou à les renforcer le cas échéant :
  • instituer au sein des parlements des mécanismes ou les renforcer le cas échéant pour amener l'Exécutif à rendre compte de son action, y compris par des questions au gouvernement et un recours systématique aux commissions pour l'examen et le suivi des affaires publiques. A cet égard, les parlements peuvent envisager de créer des commissions des comptes publics ou de les renforcer le cas échéant;
  • veiller à ce que le processus d'établissement et d'exécution du budget national soit transparent et prévoie des garanties contre toute malversation dans l'administration de fonds et ressources publics : à cet effet, donner plus de pouvoirs et de moyens aux commissions parlementaires telles que les commissions des comptes publics, etc.
  • veiller à la mise en place d'institutions de surveillance comme le vérificateur des comptes/contrôleur général, le médiateur indépendant, etc., et à ce qu'elles soient dotées des ressources nécessaires et que leurs rapports reçoivent toute l'attention requise de la part du parlement et du gouvernement;
  • veiller à ce que l'opposition soit suffisamment représentée dans les structures parlementaires, dotée des ressources nécessaires et ait la possibilité de se prononcer dans des conditions d'égalité sur la gestion des affaires publiques, y compris la possibilité de dénoncer les actes de corruption, d'enquêter ou de lancer des investigations sur les allégations de corruption;
  • instituer des mécanismes transparents et rigoureux pour le choix des titulaires de hautes charges publiques afin de s'assurer que seuls les plus compétents et les plus honnêtes sont nommés aux postes visés; instituer des mécanismes efficaces de répression à l'encontre des agents de l'Etat qui se rendent coupables de malversation dans l'exercice de leurs fonctions. Etablir des normes régissant les conflits d'intérêts pour les agents publics et prendre des mesures efficaces contre l'enrichissement illicite, en prévoyant notamment des sanctions appropriées à l'encontre de ceux qui tirent parti de leurs fonctions pour servir des intérêts privés.
c. Représentation (interaction avec la société civile)
Le parlement et les parlementaires représentent le peuple et ont le devoir de veiller à ce qu'il ait voix au chapitre dans la gestion des affaires publiques. A cet égard, ils sont appelés à :
  • encourager le public à dénoncer et condamner la corruption; à cet effet, veiller, par des mesures légales et autres, à assurer à toutes les personnes qui jouent un rôle actif dans la lutte contre la corruption un appui et une protection efficaces contre l'intimidation;
  • promouvoir ou contribuer à promouvoir un sens élevé de la probité et de l'intégrité morale par des campagnes de sensibilisation; prévoir l'instruction civique dans les programmes scolaires, etc.
II. ACTION PARLEMENTAIRE AU NIVEAU INTERNATIONAL
Les parlements sont de plus en plus appelés à jouer un rôle clé sur la scène internationale. Ils ont notamment le devoir moral de veiller à ce que la gestion des affaires internationales réponde aux plus hautes normes de probité. Cette dimension internationale de l'activité des parlements exige une coopération internationale plus efficace dans la lutte contre la corruption. Les parlements sont notamment conviés à adopter les mesures suivantes :
  • promouvoir la coopération internationale entre parlements et parlementaires en faveur de la lutte contre la corruption par un échange d'expériences et de pratiques jugées les meilleures, etc. A cet effet, inciter les parlementaires à participer à des séminaires régionaux et interrégionaux qui encouragent l'échange d'informations sur les techniques et les lois permettant de lutter contre la corruption ainsi que sur les recherches en la matière et facilitent l'examen et un meilleur fonctionnement des dispositifs et processus institutionnels. Pareilles mesures devraient, idéalement, être coordonnées dans le cadre de l'Union interparlementaire, l'organisation mondiale des parlements;
  • adapter leur législation afin que toute personne résidant sur leur territoire et qui corrompt des autorités ou des fonctionnaires étrangers soit sanctionnée ou du moins extradée vers le pays concerné et d'ériger en délit autonome le blanchiment d'argent issu de la corruption, y compris dans un Etat tiers.
L'Union interparlementaire devrait être le fer de lance de la coopération interparlementaire dans la lutte contre la corruption et redoubler d'efforts pour instaurer des réformes démocratiques et la bonne gouvernance à l'échelle nationale.

VEILLER A CE QUE LES PARLEMENTS PARTICIPENT DE MANIERE EFFICACE A LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION (Renforcement des moyens de combattre la corruption)

Si le rôle des parlements dans la lutte contre la corruption est reconnu à l'échelle mondiale, nombre d'entre eux, notamment ceux des pays en développement et des nouvelles démocraties, manquent souvent de moyens de mener à bien cette mission. Ils ont donc besoin du concours des bailleurs de fonds internationaux pour développer les processus et structures à même de leur assurer de l'efficacité sur une base durable. L'aide requise par les parlements vise en particulier à :

  • sensibiliser les parlementaires à leur rôle dans la lutte contre la corruption (séminaires, conférences, services consultatifs, etc.);
  • mettre au point et appliquer des mécanismes appropriés pour assurer le contrôle, la transparence et la responsabilité dans la gestion publique (mise en place des structures et processus requis, telles que les commissions et le médiateur indépendant, et veiller à ce qu'ils fonctionnent bien grâce à des procédures simplifiées et la mise à disposition de ressources humaines et matérielles suffisantes;
  • donner à l'opposition les moyens d'intervenir de manière efficace pour amener le gouvernement à rendre compte de son action, et favoriser ainsi la probité, la transparence, la responsabilité et la bonne gouvernance;
  • mettre en place des services efficaces d'information et de documentation, y compris l'exploitation optimale des nouvelles technologies qui facilitent aux parlementaires l'accès à l'information touchant à leur domaine de compétence, s'agissant notamment d'assurer une gestion publique responsable.
L'Union interparlementaire est résolue à poursuivre son action d'appui à la promotion d'un nombre accru d'institutions parlementaires à même de mener à bien leur mission de législateurs, contrôleurs de l'action de l'Exécutif et représentants du peuple.


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