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MESSAGE DE L'UNION INTERPARLEMENTAIRE
AU SOMMET MONDIAL POUR LE DEVELOPPEMENT SOCIAL
(Copenhague, 6-12 mars 1995)


Les parlementaires soulignent que le progrès social est un impératif réalisable, mais il convient pour cela de prendre en compte un certain nombre de repères.

DES PROBLEMES LIES DANS UN MONDE D'INTERDEPENDANCES

La notion d'interdépendance doit être désormais au centre de nos réflexions. Interdépendance dans le temps entre les générations actuelles et les générations futures. Interdépendance géographique entre les continents, les régions et les Etats. Interdépendance entre les grands problèmes de l'humanité et l'environnement (accroissement démographique, santé, pauvreté, urbanisation incontrôlée, migrations, instabilité). Interdépendance entre les pays du Nord et les pays du Sud.

Il faut donc concilier désormais les préoccupations relatives au développement, et celles relatives à l'environnement, avec la recherche de l'équité et celle de l'efficacité.

UN BUT : LE DEVELOPPEMENT HUMAIN DURABLE

Il importe aujourd'hui :

  • d'édifier la sécurité humaine par rapport au logement, à l'emploi, dans la communauté et dans le cadre de vie, et donc
  • de veiller avant tout à ce que nul ne soit privé de nourriture, que nul enfant ne soit privé d'éducation, que nul ne soit privé de soins de santé de première nécessité ou d'eau potable, et que chacun puisse déterminer le nombre de ses enfants,
  • d'élargir les possibilités d'accès à des emplois productifs, rémunérateurs et satisfaisants,
  • de rendre le développement plus démocratique et plus participatif,
  • d'élargir ainsi la gamme des choix rendus accessibles à tout individu,
  • de le faire en tenant compte des besoins des générations futures,

c'est à dire de viser le développement humain durable.

DES OBSTACLES A SURMONTER

Notre monde subit de profondes transformations. Le nouveau contexte mondial est marqué par la fin du clivage entre l'Est et l'Ouest. Les pays industrialisés perdent de leur dynamisme économique et se heurtent à de graves problèmes de croissance et chômage. Plusieurs régions du monde en développement se transforment en pôles de croissance.

Dans le même temps, une grande partie de la population mondiale vit dans la pauvreté, et partout dans le monde l'environnement subit de graves dégradations.

L'ampleur de l'analphabétisme entrave gravement le développement économique, social et politique, ainsi que le progrès culturel et intellectuel - en particulier dans les pays en développement.

La détérioration des termes de l'échange internationaux et l'énorme fardeau de la dette qui pèse sur la majorité des pays en développement creusent davantage encore le fossé entre pays industrialisés et pays en développement. Souvent, le service de la dette dépasse le budget national de l'éducation, du logement, de la santé, de l'environnement et de la sécurité sociale, absorbe une forte proportion du revenu national et constitue un obstacle majeur au développement.

Malgré les mesures de réduction adoptées par certains, les dépenses militaires continuent d'absorber une part importante du budget de nombreux pays.

Par ailleurs, les budgets de l'aide publique au développement de certains pays présentent une regrettable tendance à la baisse, alors que seuls quelques pays industrialisés ont atteint l'objectif de 0,7% du PNB recommandé par l'ONU.

Pourtant, la misère constitue la pire violation des droits de l'homme. La pauvreté, dans ses manifestations extrêmes, est une atteinte à la dignité humaine et raccourcit considérablement l'espérance de vie. Elle est de plus l'une des principales causes de dégradation de l'environnement.

QUELQUES PRINCIPES DE REFERENCE

Le développement n'est durable que dans la mesure où il est fondé sur des valeurs humaines. Il s'agit de promouvoir un développement humain tenant compte des dimensions physique, intellectuelle et spirituelle de l'homme.

Pour parvenir au développement durable, il faut :

  • intensifier les efforts afin d'éliminer la pauvreté,
  • modifier de façon importante l'ordre des priorités dans la gestion des ressources limitées du monde,
  • adopter une gestion rationnelle de l'environnement,
  • garantir l'accès des pays en développement aux techniques sûres et écologiquement rationnelles,
  • concilier croissance et souci d'équité,
  • promouvoir un développement participatif.

Le capital humain est le gage le plus précieux du progrès.

Une croissance économique soutenue et durable est le moteur du développement social. A son tour, le développement humain est un élément déterminant du développement économique.

Pour durer, l'efficacité économique doit aller de pair avec des structures démocratiques, une meilleure justice sociale et économique, le respect des droits de l'homme et l'égalité entre hommes et femmes.

Pour affronter efficacement les problèmes de la communauté, l'accent doit être mis sur les deux concepts complémentaires de parité et de partenariat entre hommes et femmes.

La démocratie ne prend tout son sens que dans la mesure où la participation des femmes est assurée dans toutes les instances de décision.

La notion de droits de l'homme doit être étendue au droit de manger à sa faim et au droit au travail, à l'éducation, à la santé et au logement.

Les droits de la femme entrent dans la catégorie des droits de la personne humaine et devraient être explicitement reconnus comme tels dans la Constitution nationale ou tout autre texte fondamental ayant rang de norme constitutionnelle.

Les droits de l'enfant, tels qu'ils sont consacrés par la Convention relative aux droits de l'enfant, devraient être dûment protégés et respectés.

Les droits des personnes âgées font partie intégrante des droits de l'homme.

Les systèmes de comptabilité nationale doivent désormais prendre en compte les coûts écologiques et sociaux de l'utilisation des ressources naturelles, ainsi que la valeur économique du travail des femmes au foyer. Ces facteurs devraient être intégrés au calcul du Produit National Brut qui devrait être remplacé par un revenu national durable net.

Il est de l'intérêt des Etats industrialisés d'aider les pays en développement et les pays en transition à mettre en oeuvre des politiques de développement socio-économique susceptibles de créer suffisamment d'emplois et de faire accéder les populations concernées à un niveau de vie acceptable.

De plus, il convient de définir une approche multilatérale permettant de s'attaquer aux causes socio-économiques et aux effets des migrations, en particulier par des mesures préventives et une coopération internationale tendant à offrir aux migrants potentiels la perspective d'une existence meilleure et digne dans leur pays d'origine.

S'il incombe aux pays en développement de conduire une politique nationale propice au développement, c'est à la communauté internationale qu'il revient de créer un climat extérieur favorable.

Il faut concevoir un modèle de coopération pour le développement économique et social fondé sur l'ouverture des marchés mondiaux et non le protectionnisme, sur un partage équitable des marchés et non la charité, sur un dialogue franc et ouvert entre Etats souverains et non la force.

POUR UN CONTRAT SOCIAL NATIONAL ET PLANETAIRE

Tous les pays devraient prendre un ferme engagement politique en faveur du développement humain. Cela doit se traduire par des mesures nationales ainsi que par une entente mondiale en faveur du développement humain.

Les chefs d'Etat et de gouvernement réunis pour le Sommet mondial sur le développement social devraient lancer la rédaction d'une Charte sociale mondiale, qui engage les Etats qui la ratifient à fournir les moyens de promouvoir la paix et la sécurité humaine.

Parallèlement, il convient d'élaborer à partir de la Déclaration de Rio une charte précise et contraignante comprenant les principes fondamentaux à respecter pour garantir la viabilité de la planète, et mettant l'accent sur les principes de responsabilité, d'équité, d'interdépendance et de complexité.

Chaque Etat devra élaborer et mettre en oeuvre une stratégie visant à éliminer la pauvreté extrême et sous toutes ses formes, à réduire les disparités, à favoriser l'emploi productif et à traiter les problèmes sociaux en fixant un calendrier.

Pour ce faire, les fonds nécessaires peuvent être réunis par une réallocation des ressources existantes, et par la mobilisation de ressources nouvelles telles que celles qui peuvent provenir des dividendes de la paix ou de la réaffectation de dépenses militaires et d'un système équitable et efficace d'imposition.

Il est notamment proposé de mettre en oeuvre un pacte dit “20-20” définissant les objectifs essentiels du développement humain sur dix ans (1995-2005): enseignement élémentaire pour tous, réduction du taux d'analphabétisme des adultes (en particulier celui des femmes), soins médicaux élémentaires pour tous, élimination des formes graves de malnutrition, accès de tous à l'eau potable et à l'assainissement, accès au crédit, et accès aux services de planification familiale pour les couples qui le souhaitent. Les pays en développement et les pays donateurs consacreraient respectivement au moins 20% de leur budget et au moins 20% du montant de leur aide à ces efforts.

Par ailleurs, il faut qu'avant l'an 2000, les nations industrialisées consacrent au moins 0,7% de leur PNB à l'aide publique au développement, et qu'une part importante de ces fonds soit consacrée aux priorités du développement humain énoncées ci dessus, ainsi que pour couvrir les coûts de la lutte contre la dégradation de l'environnement à l'échelle mondiale. Il s'agit d'une obligation internationale vitale pour la gestion de l'économie mondiale.

Un pourcentage non négligeable des fonds destinés à l'aide publique au développement devrait être consacré à des programmes et projets qui favorisent la participation des femmes et soient administrés par des femmes. Il faut aussi faciliter l'accès des filles à l'école dans des conditions légales et pratiques identiques à celles faites aux garçons.

La violence à l'encontre des femmes doit être éradiquée car elle compromet leurs chances de participer pleinement et équitablement au développement économique, social, culturel et politique.

Il faut promouvoir la Déclaration et le Plan d'action élaborés au Sommet mondial sur les enfants (1990) et appuyer les mesures visant à combattre la pauvreté dont souffrent les enfants.

Sur un autre plan, il faut tenir compte des conséquences de l'évolution démographique dans l'élaboration des politiques économiques et sociales concernant en particulier les personnes âgées.

L'amélioration et la planification des établissements humains constitue une priorité, notamment par des politiques novatrices de gestion des sols, la mobilisation des ressources matérielles et humaines nécessaires à garantir un logement convenable à tous, et une politique viable de l'énergie et des transports.

Concernant les flux migratoires, pays d'origine et pays d'accueil doivent rechercher des mesures régulatoires à long terme, en particulier en matière de planification, formation professionnelle, aide financière et investissement, ainsi que des solutions mutuellement acceptables pour mieux régler le statut juridique et les conditions de vie des immigrés à la lumière de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990).

Il faut en outre réformer les politiques économiques qui aboutissent à des pratiques commerciales discriminatoires, la restriction de l'accès aux marchés, l'instabilité des prix des produits de base, des subventions indues à la production agricole et des pratiques commerciales restrictives. Il convient en particulier de démanteler dès que possible les barrières non-tarifaires, et d'instaurer une plus grande transparence dans les transactions économiques, en particulier entre nations.

Puisqu'une augmentation de la production n'entraîne plus nécessairement une expansion de l'emploi, les gouvernements et institutions multilatérales doivent examiner les relations entre le commerce et l'emploi, ce dernier devant être une grande priorité pour tous.

Un règlement global et durable au problème de la dette extérieure des pays en développement doit être recherché, notamment par la rationalisation de son échelonnement, l'annulation d'une partie de celle-ci notamment pour les pays les plus pauvres, et une réduction des taux d'intérêt.

Il faut aussi encourager la réforme de l'Organisation des Nations Unies, notamment par l'institution d'un Conseil de sécurité économique où les pays en développement seraient dûment représentés et qui disposerait d'un mécanisme de vote protégé pour que l'organisation mondiale soit le principal gardien de la sécurité humaine dans le monde.

En tout état de cause, les Nations Unies devraient être renforcées dans les domaines social, économique et environnemental. Une coordination plus efficace et une intégration accrue des actions entreprises dans le système des Nations Unies s'imposent.

Au delà de ces réformes, il convient de changer les modes de consommation de sorte à prendre en compte les effets sur l'environnement et l'accroissement démographique.

Pour atteindre tous ces objectifs, une plus large ratification par les parlements des instruments internationaux de droits de l'homme s'impose. Ils pourraient ainsi pousser à la ratification des deux pactes internationaux de l'ONU de 1966 et de quelque 24 conventions spécifiques de l'ONU, de l'OIT, de l'UNESCO, ainsi que des conventions de Genève de 1948.

Certes, tous ces objectifs sont l'affaire des Etats, mais aussi et surtout de tous les individus.


POUR PLUS DE DETAILS ...

Les résolutions parlementaires dont sont tirées les analyses et propositions qui figurent dans cette brochure sont disponibles auprès de l'Union Interparlementaire :

1. Résolution de la 92e Conférence interparlementaire sur “Coopération internationale et action nationale en faveur du développement social et économique et de la lutte contre la pauvreté. Contribution des parlements au Sommet mondial pour le développement social” (adoptée à Copenhague le 17 septembre 1994)

2. Résolution de la 90e Conférence interparlementaire sur “La santé et le bien-être des personnes âgées” (adoptée à Canberra le 18 septembre 1993)

3. Résolution de la 88e Conférence interparlementaire sur “Les migrations massives à l'échelle internationale : leurs causes démographiques, religieuses, ethniques et économiques; leur impact sur les pays d'origine et d'accueil; leur incidences au niveau international; et les droits des migrants et des réfugiés” (adoptée à Stockholm le 12 septembre 1992)

4. Résolution de la 86e Conférence interparlementaire sur “Développement humain : croissance économique et démocratie - Le rôle des Parlements dans l'interaction nécessaire entre les libertés, la participation des citoyens, la croissance économique et les investissements sociaux” (adoptée à Santiago de Chile le 12 octobre 1991)

5. Résultats de la Conférence interparlementaire de l'Asie et du Pacifique sur “La science et la technologie pour un développement régional durable” (Tokyo, 13-17 juin 1994)

6. Brochure illustrée sur la Conférence interparlementaire sur “Un dialogue Nord-Sud pour un monde prospère” (Ottawa, 18-22 octobre 1993)

7. Résultats du Symposium interparlementaire sur “ Le Parlement: gardien des droits de l'homme” (Budapest, 19-22 mai 1993)

8. Document final de la Conférence interparlementaire sur l'environnement et le développement (Brasilia, 23-27 novembre 1992)

9. Plan d'action de l'Union interparlementaire pour remédier au déséquilibre actuel dans la participation des hommes et des femmes à la vie politique (adopté à Paris le 26 mars 1994)


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