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N°28
DECEMBRE 2007

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de la Revue

Le Monde des Parliaments
Editorial

Manu Chao et les élus pour la cause des droits des migrants

Une petite embarcation remplie de 53 immigrants illégaux, à la dérive, a pris l'eau au sud de l'île de Malte en Méditerranée, après une panne de moteur.En écoutant le concert donné à Genève en octobre dernier par le chanteur franco-espagnol Manu Chao, chantre de l'altermondialité, et en constatant à quel point ses chansons et son engagement pour la cause des migrants interpellent le public, toutes générations confondues, il émane un sentiment que les élus - représentants légitimes des peuples - pourraient jouer un rôle accru concernant certains des problèmes qui touchent les citoyens ordinaires.

Les conclusions d'un séminaire qui s'est tenu le même mois à l'UIP sur les migrations et les droits de l'homme peuvent constituer une piste de réflexion intéressante. Les participants ont mis en exergue le fait que s'il n'y a pratiquement pas de limite à la libre circulation des capitaux et des biens sur le marché mondial actuel, il n'y a pas de libre circulation des personnes. Cela s'explique en partie par la crainte infondée de voir des migrants enlever des emplois aux nationaux, ont-ils déclaré, ajoutant cependant que, comme le prouve le cas de l'Espagne et d'autres pays, la migration est en fait créatrice de nouveaux emplois et de richesses. Si l'ont veut que les pays fonctionnent vraiment au niveau universel, ils doivent se rassembler, d'abord au niveau régional, pour encourager la mobilité humaine, qui est un moyen de parvenir à l'intégration et au développement économiques. Des accords ont été conclus sur la libre circulation des personnes, mais ils ne sont pas pleinement appliqués. Les parlementaires ont un rôle à jouer pour qu'ils le soient dans toutes les régions.

Manu Chao n'aurait pas dit mieux. Tant qu'il n'y aura pas de libre circulation des personnes, il y aura de l'immigration clandestine et, vu les disparités économiques qui se creusent, le nombre de personnes qui quittent leur pays pour chercher ailleurs un avenir meilleur ne peut qu'augmenter. Au séminaire de Genève, les parlementaires ont déclaré qu'il est de leur responsabilité de relever ce défi en aidant à faire en sorte que les systèmes d'admission des migrants soient transparents, clairs et cohérents. Ils ont aussi souligné l'importance de créer suffisamment de possibilités pour laisser place à une immigration régulière et des contrôles extérieurs des frontières de pays cibles, ajoutant qu'ils «sont inefficaces en dernière analyse lorsque les migrations ne sont pas abordées globalement sous l'angle des droits, mais entraînent encore un coût humain important».

Comme Manu Chao dans sa plus célèbre chanson, Clandestino, les élus qui ont participé au séminaire se sont dit consternés par le nombre élevé de personnes mortes en essayant d'atteindre leur destination par mer ou par voie terrestre, parfois à cause de trafiquants sans scrupule. Une action ferme devrait être entreprise pour qu'une loi efficace contre les trafics d'êtres humains soit adoptée et appliquée. Ils ont aussi noté que les pays d'accueil abritent de nombreux migrants en situation irrégulière et que parmi ces derniers, beaucoup ne jouissent pas de leurs droits les plus élémentaires. Ils ont estimé que la régularisation pouvait être une option valable pour intégrer ces migrants à la société.

A Genève, les élus se sont engagés à s'«opposer aux politiques qui divisent la société, même si elles sont préconisées par certains de nos collègues parlementaires», et à «user de nos pouvoirs pour défendre le droit de tous les migrants de militer pour la diversité et la cohésion sociales. Nous ne devrions pas oublier que c'est aux droits fondamentaux de tous que l'on porte atteinte en restreignant et en bafouant les droits de l'homme des migrants».

L'importante question des migrations est inscrite à l'ordre du jour de la 118ème Assemblée de l'UIP, qui se tiendra en Afrique du Sud en avril 2008. A n'en pas douter, Manu Chao et ses admirateurs devraient apprécier.

L.B.