Le terme « minorité » tel qu'il est utilisé dans le système des droits de l’homme des Nations Unies renvoie aux minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques citées dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques (résolution 47/135 de l'Assemblée générale des Nations Unies du 18 décembre 1992) et dans l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cette déclaration est aussi applicable aux peuples autochtones, en plus de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (résolution A/61/L.67 de l’Assemblée générale du 13 septembre 2007) dont les dispositions s’organisent autour de traits spécifiques communs aux différents peuples autochtones dans le monde : un lien particulier avec les terres et l’environnement, des institutions politiques et sociales distinctes, notamment des lois et des systèmes juridiques coutumiers, des traditions et des coutumes culturelles, des pratiques médicales, une perception/approche des priorités de développement qui leur est propre, et une gestion traditionnelle des ressources et autres savoirs. Aucune de ces deux déclarations ne définit les minorités ni les peuples autochtones car il serait impossible de synthétiser en une seule et unique définition les réalités des divers groupes et communautés concernés. L'Organisation des Nations Unies prend plutôt en compte le principe d’auto-identification dans son travail sur les peuples autochtones et les minorités. Il est désormais communément accepté que la reconnaissance du statut de minorité s'appuie : sur des critères objectifs (par exemple, une position non dominante sur le plan du nombre et/ou du pouvoir politique, des caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques distinctes), ainsi que sur des critères subjectifs d'auto-définition (c'est-à-dire la volonté de la part des membres du groupe en question de préserver ces caractéristiques distinctes). Le même principe s’appliquera dans le cadre de ce projet.

Dans toute société, il existe un certain nombre d’autres groupes qui peuvent être rejetés dans un vide politique, ce qui les marginalise, les prive d'une représentation appropriée et les empêche d’exercer une influence réelle. A l'évidence, les femmes forment un groupe marginalisé, alors même qu’elles constituent la majorité du corps électoral dans de nombreux Etats. Il y a d’autres groupes marginalisés, comme les jeunes, les personnes âgées, les pauvres et les personnes sans domicile fixe, les handicapés et les personnes ayant une orientation sexuelle différente. L’exclusion de tous ces groupes est certes un réel problème dans bien des pays mais leur représentation n’est pas visée par le projet de recherche en cours. L'UIP mène un projet parallèle sur la représentation des femmes au Parlement.

Avec le développement rapide du nombre des Etats pluralistes et la diffusion des normes et valeurs démocratiques, la possibilité de représentation des minorités au Parlement et au gouvernement prend une importance croissante. La meilleure défense des droits des minorités passe par une combinaison entre sensibilisation du groupe majoritaire et ouverture en direction des minorités. Les voix minoritaires se font entendre et les droits des minorités sont mieux respectés lorsque des représentants des populations minoritaires ont véritablement accès à la sphère politique, à la vie publique et aux lieux de décision correspondants. La participation pleine et entière des minorités au gouvernement n'implique aucunement un droit de veto et ne signifie pas davantage que les représentants issus des minorités soient les seuls responsables politiques capables de défendre les intérêts politiques et la dignité des groupes marginalisés. C'est toutefois la preuve que les personnes appartenant aux minorités peuvent présenter leur candidature en ayant une véritable chance d'être élues et peuvent avoir ainsi la possibilité de faire entendre leur voix au sein des instances politiques élues aux niveaux local, régional et national. Par ailleurs, s'il est vrai que l'élection au Parlement d'un membre de sa propre communauté n'est pas une fin en soi et n'est pas nécessairement synonyme d'une représentation adéquate ou d'un engagement politique adéquat, c'est en tout cas un début. Il est primordial que l'ouverture aux minorités ne soit pas purement symbolique et que les représentants des minorités jouent un véritable rôle dans le processus de décision. L'accord de paix conclu au Népal en 2007, par exemple, prévoyait non seulement la présence à l'Assemblée de communautés minoritaires, comme le peuple madhesi, mais aussi leur entrée dans les forces armées, la fonction publique et l'exécutif.

Même si, pour le moment, le présent projet se concentre sur les parlements nationaux, il est souvent tout aussi important que les minorités soient représentées au niveau exécutif (services présidentiels, gouvernement), dans les exécutifs régionaux et les assemblées locales. De fait, la dynamique de représentation, et de leadership, des minorités commence souvent par une représentation dans les exécutifs locaux des zones où vivent des minorités. Il n'est pas rare, en effet, que les minorités soient regroupées géographiquement, ce qui signifie que la décentralisation du pouvoir à la région, la ville ou au village implique automatiquement la responsabilisation d'une communauté qui tout en étant minoritaire au niveau national peut être majoritaire au niveau local.

Un parlement inclusif est un parlement qui reflète une diversité sociale correspondant à celle de la nation et garantit aux minorités et peuples autochtones, aux femmes et autres populations opprimées que tous ont un rôle important à jouer dans le processus de décision. C'est un parlement qui honore les différences et comprend qu'il est avantageux d'utiliser les talents de tous les individus et groupes qui constituent la société. C'est un corps législatif qui, au-delà de l'application de quotas, place des représentants des communautés minoritaires dans les commissions, aux postes de direction et au secrétariat du Parlement. Dans un parlement inclusif, il est possible que les parlementaires issus des minorités représentent des « partis ethniques » ou appartiennent à des partis pluriethniques mais dans l'un et l'autre cas, ils peuvent être les représentants légitimes de la communauté minoritaire dont ils sont issus. Ils tirent leur légitimité de l'important soutien populaire de ces communautés.

En quoi est-il intéressant que le Parlement s'ouvre pour refléter davantage la diversité sociale de la nation ? L'idée de la représentation « descriptive » repose sur une conception de la politique en tant que miroir de la société, le gouvernement se devant d'être un portrait miniature de la société en général, de refléter les différents groupes, opinions et traits caractéristiques. Par la force des choses, une telle représentation descriptive devrait mener à un renforcement de l'influence réelle des groupes minoritaires. Il est évident qu'un certain degré de représentation descriptive est utile, en particulier lorsque les groupes minoritaires ont des intérêts communs, ont tendance à voter de la même façon aux élections, et sont très marginalisés par rapport au processus de décision. Il ne s'agit pas seulement d'un symptôme de mauvaises relations entre majorité et minorité dans les nouvelles démocraties des pays en développement; c'est un problème qui s'observe aussi dans la plupart des démocraties occidentales. Même si un certain degré de « représentation descriptive » apporte à l'évidence d'importants avantages, cette conception pose un certain nombre de problèmes. Il y a d'abord la question de savoir de quoi ou de qui le corps représentatif doit être le reflet, les individus ou citoyens étant des combinaisons complexes de traits caractéristiques. Minorités ethniques et peuples autochtones sont des éléments essentiels de la mosaïque que compose tout Etat mais sont-ils les seules pièces du puzzle ? Qu’en est-il des autres groupes qui, eux-aussi, sont traditionnellement sous-représentés : les pauvres, les gays et lesbiennes, certaines confessions, sans oublier d’autres groupes « ethniques » qui n’ont pas forcément de reconnaissance officielle ? Ensuite, la notion de représentation descriptive en miroir peut être jugée dangereuse si elle empêche les électeurs de voter pour des représentants qui ne leur ressemblent pas. L’un des grands piliers de la démocratie est la liberté de choisir le bulletin que l'on dépose dan l’urne; si ce choix est contraint par la nécessité de voter pour le candidat de sa propre ethnie, cette liberté essentielle est remise en question. Enfin, la représentation descriptive présente le risque de devenir une fin en soi. Le souci d’obtention d’une bonne représentation ne doit pas s’arrêter lorsque le Parlement comprend un nombre adapté de noirs et de blancs, de Hutus et de Tutsis, d’Asiatiques et de Libanais, de catholiques et de protestants : c’est en fait à ce stade que notre souci d’obtention d’une représentation politique adaptée doit commencer. Ces parlementaires doivent, en effet, pouvoir exprimer les préoccupations des minorités et pouvoir peser sur les choix politiques. Quoi qu’il en soit, si un parlement ne comprend aucun représentant des minorités ethniques, ou seulement quelques-uns, c’est probablement le signe, inquiétant, d’un manque d'ouverture aux minorités. Les parlementaires issus d'une minorité sont en mesure d'assurer cette minorité que ses intérêts sont défendus et d’exprimer des besoins que la majorité ne réussira pas nécessairement à comprendre parfaitement, quel que soit son degré d'empathie.

Les recherches les plus étendues réalisées sur la représentation des minorités dans les parlements nationaux couvrent 50 cas, soit environ un quart des pays du monde (Reynolds, State of the World’s Minorities, 2007). La liste des pays étudiés est donc partielle mais ces travaux comprennent cependant des données provenant de régimes démocratiques et non démocratiques, de pays développés et en développement, ainsi que des chiffres sur des parlements de tous les continents.

Les facteurs institutionnels (règles du jeu politique) et les facteurs socioculturels (attitude de l’ensemble de la société par rapport aux membres des minorités) sont les éléments qui déterminent au premier chef le nombre de représentants des minorités élus au Parlement. Par ailleurs, on constate généralement une meilleure représentation des minorités dans les parlements établis à la suite d’accords de paix dans des Etats sortant d’un conflit. S’agissant des institutions, un certain nombre de facteurs entrent en ligne de compte. Le nombre des candidats issus des minorités qui se présentent aux élections - Il est logique de penser que le stade de la candidature est la première difficulté à surmonter pour remporter un succès électoral; si les minorités ont du mal à présenter des candidats, elles seront d’autant moins représentées au Parlement. Les partis politiques jouent un rôle de filtre dans le choix des candidats. Il est donc important qu’ils perçoivent les avantages d'une ouverture aux minorités. L'appartenance des parlementaires issus de minorités à des « partis de minorités » ou à des partis de la majorité ou partis pluriethniques - Si les partis politiques constatent un intérêt électoral à diversifier leurs listes de candidats, la représentation des minorités s’en trouvera facilitée. Le système électoral : quels sont les systèmes qui facilitent l’élection de représentants des minorités ? - Certains systèmes électoraux encouragent les partis pluriethniques tandis que d’autres donnent aux partis majoritaires des raisons de faire campagne sur des thèmes antagonistes de type « nous et eux ». En lien avec le système électoral, il apparaît que les minorités ont généralement de meilleures chances d’obtenir des élus dans de grandes circonscriptions ayant plusieurs représentants que dans de petits districts n’en ayant qu’un seul. Si un groupe minoritaire représente 10% de la population d’une circonscription comptant dix sièges au Parlement, tous les membres du groupe peuvent voter de la même façon et obtenir un siège alors que si la même circonscription est divisée en dix districts d’un seul siège, le groupe minoritaire a peu de chances d'obtenir un siège. Les « sièges réservés » ou les « mécanismes spéciaux » - Dans de nombreux systèmes, c’est ce type de sièges qui permet l'élection ou la nomination de parlementaires issus des minorités. Les facteurs socioculturels et politiques ont également un fort impact sur la représentation des minorités; cet impact est peut-être même plus important que celui du niveau de démocratie, ou de développement humain d'une nation. Dans quelle mesure, la culture majoritaire accorde-t-elle de l’importance et favorise-t-elle la diversité ethnique et la représentation des minorités ? La taille relative d’une communauté a-t-elle une influence sur les chances d’élection de parlementaires la représentant ? (autrement dit, faut-il que les groupes minoritaires atteignent une certaine taille pour obtenir des élus ?) Le succès électoral dépend-il du degré de concentration ou de dispersion de la communauté minoritaire ? Existe-t-il des modèles régionaux ou continentaux s’agissant des niveaux de représentation des parlementaires issus des minorités ? (autrement dit, les pays ont-ils tendance à suivre l’exemple des pays voisins quand des minorités sont représentées dans un parlement de la même région ?) Observe-t-on une corrélation entre les niveaux de représentation des minorités et le développement économique et humain ? Si les communautés minoritaires sont systématiquement plus pauvres que le groupe majoritaire, ont-elles moins de chance d’obtenir une représentation politique ? Inversement, si les minorités sont riches, ont-elles moins tendance à rechercher une représentation politique ? L’ancienneté de la démocratie, le nombre d’élections nationales et la force de la démocratie ont-ils une influence sur le succès électoral des minorités ?

Les parlements peuvent ouvrir leurs institutions aux minorités (par le biais des systèmes électoraux ou d’autres méthodes de désignation des représentants) et voter des lois permettant aux groupes marginalisés de jouer un rôle plus important dans le gouvernement et la politique. Le premier et le plus rapide des moyens dont dispose le parlement pour accroître le nombre des représentants issus des minorités est le système électoral. A ce niveau, un certain nombre d’éléments sont déterminants : le type de système (proportionnel ou majoritaire), le nombre de représentants élus dans chaque circonscription, l’existence éventuelle d’un seuil de représentation, la possibilité offerte aux électeurs de choisir des candidats et pas uniquement des partis, et le lieu d’habitation des électeurs appartenant à des minorités (concentration ou dispersion géographique). Certains mécanismes, comme les sièges réservés, les quotas ou encore des listes spéciales pluriethniques ou intégrant la dimension de parité entre les sexes, interviennent aussi dans la détermination de ceux qui seront finalement élus au Parlement. Les parlements peuvent exiger que les minorités figurent sur chacune des listes des partis (comme c’est le cas à Singapour) ou assigner un certain nombre de sièges à certains groupes minoritaires (comme c’est le cas au Liban). Les partis politiques ont aussi un rôle crucial à jouer dans l’ouverture aux minorités puisqu’ils décident de la composition de leurs listes de candidats et du style de leur campagne.

Si les minorités ne réussissent pas « naturellement » à accéder aux assemblées par le jeu normal des élections, il est possible de leur garantir un certain degré de représentation par des sièges réservés en fonction d'une appartenance communautaire. Les sièges réservés sont des sièges parlementaires, pourvus par élection ou nomination, qui sont mis de côté pour des communautés données. Ces parlementaires peuvent être choisis par les membres du groupe représenté uniquement (sur la base d’une liste électorale communautaire) ou par l’ensemble des électeurs, parmi des candidats issus du seul groupe concerné. Par définition, les sièges réservés reposent généralement sur une évaluation préalable de ce qui constitue un groupe et de la taille de ce groupe. C’est un moyen efficace de s’assurer que quelques-unes au moins des voix minoritaires pourront s’exprimer au Parlement. A l’heure actuelle, plus de trente Etats ont des sièges réservés pour des communautés ou des groupes minoritaires ou appliquent un autre mécanisme spécial. Le système des sièges réservés pose cependant certains problèmes. C’est, par exemple, un casse-tête de décider quels groupes pourront bénéficier de ce traitement spécial. Ces groupes minoritaires doivent-ils nécessairement être petits et opprimés ou peuvent-ils être petits et puissants ? Quels sont, par ailleurs, les critères qui permettent de définir clairement un groupe ethnique ? Le nombre des sièges réservés, une fois fixé, est insensible aux inévitables fluctuations numériques qui affectent la majorité et les minorités dans les Etats-nations. Il est rare que le droit électoral prévoie la réévaluation périodique de la taille des groupes minoritaires et du nombre correspondant des sièges réservés.

Il existe certaines similarités entre le parcours des femmes et des minorités pour obtenir des sièges, notamment au niveau des obstacles rencontrés et des options possibles pour les surmonter et promouvoir leur accession au Parlement. La plupart des systèmes électoraux avantagent le candidat « du plus petit dénominateur commun », qui dans presque tous les cas est un homme appartenant à la communauté dominante (par ex. un homme blanc au Royaume-Uni ou un homme tswana au Botswana). La représentation des femmes et celle des minorités peuvent toutes deux être favorisées par des mécanismes spéciaux qui encouragent les partis à en faire des candidats à des sièges accessibles ou à des sièges réservés, afin de libérer, dans une certaine mesure, le Parlement de la norme du groupe majoritaire, masculin et dominant. Ce qui différencie les deux groupes c’est que les femmes ne sont généralement pas en minorité numérique dans la société, ni concentrées en un lieu géographique et qu'elles n'ont pas tendance à voter toutes de la même façon. En dehors de quelques exceptions notables, les « partis de femmes » sont moins pris au sérieux que les partis ayant pour objectif de promouvoir et de défendre les intérêts d’une minorité ethnique particulière. Il peut être plus utile de considérer la représentation des minorités comme un aspect séparé, d'importance différente, de la représentation générale.

In most societies minority exclusion exists alongside the exclusion of women and thus women Dans la plupart des sociétés, l’exclusion des minorités existe parallèlement à l'exclusion des femmes, ce qui fait que les femmes des minorités sont exposées à deux types superposés de discrimination et de mise à l’écart du pouvoir; leur position dans la société est donc encore plus précaire. Les femmes des groupes minoritaires apportent dans les assemblées et les négociations de paix une expérience spécifique, susceptible d’être particulièrement utile au processus de démocratisation et de reconstruction sociale. La nouvelle Assemblée afghane, Wolesi Jirga, compte par exemple des femmes d’origine hazara, ouzbèke, pashtoune et tajik. Tandis que les droits des femmes sont plus affirmés dans la communauté hazara, l’Afghanistan reste majoritairement une société patriarcale où les femmes ont très peu d’opportunités d’entrer dans la sphère publique. Le fait que des femmes appartenant à des minorités ethniques fassent désormais partie du Parlement afghan a permis de mettre à l’ordre du jour la discussion d'une série inédite de problèmes importants.

La meilleure façon de représenter les minorités et les peuples autochtones consiste à s’assurer que les parlementaires issus des minorités sont légitimes, exercent une influence effective et que leur nombre est suffisant pour leur permettre de fonctionner en tant que représentants des minorités et en tant que législateurs. La manière d’obtenir l'élection de tels parlementaires est moins évidente et varie d’une nation à l’autre, d’une société à l’autre. Il se peut que les sièges réservés soient la meilleure méthode dans certains pays tandis que dans d’autres l’instauration de circonscriptions pluriethniques entraînera l’élection de parlementaires plus divers jouissant d’une plus grande légitimité. Certains Etats réussissent à encourager les partis à présenter des listes de candidats d’origines ethniques diverses tandis que d’autres choisissent de favoriser l’accès de petits partis qui se définissent par leur intérêt pour les minorités ethniques.

Dans certains Etats, les minorités choisissent de soutenir des partis dont la raison d'être est clairement la promotion et la défense des intérêts d’une minorité donnée (par exemple, le Congrès national du peuple, dirigé par les Afro-guyanais au Guyana ou le Parti de la fédération nationale des indiens aux îles Fidji). Si des groupes minoritaires choisissent librement de soutenir de tels partis « à base ethnique », l’efficacité de leur stratégie n’apparaîtra que dans la façon dont ces partis réussiront à influencer les choix gouvernementaux et à promouvoir la tolérance. Toutefois, s'ils sont délibérément laissés à l’écart par le gouvernement ou créés par le pouvoir pour servir de diversion aux droits réels des minorités, ces partis des minorités ethniques ne réussiront pas à exprimer efficacement la voix d'une population minoritaire. Certains théoriciens de la démocratie estiment que les intérêts des minorités sont mieux défendus lorsque des responsables politiques issus des minorités sont intégrés dans les différents partis politiques traditionnels, davantage représentatifs de la majorité de la population. Au Canada, par exemple, si les parlementaires francophones se trouvent majoritairement sur les bancs du Bloc Québécois, on trouve des parlementaires issus de communautés minoritaires dans tous les grands partis politiques.

Comme tout autre membre d’un parlement, certains parlementaires issus des minorités doivent leur élection à leur parti tandis que d’autres s'appuient davantage sur le soutien des électeurs. Une parlementaire tamoule du nord du Sri Lanka aura probablement des liens étroits avec la communauté tamoule de sa circonscription et l’on s’attendra à ce qu’elle défende les intérêts des Tamouls; d'un autre côté, un parlementaire sud-africain parlant afrikaans élu sur la liste du Congrès national africain se sentira peut-être moins investi de la charge de représenter les Afrikaners que de celle de représenter un parti et une idéologie. La relation entre un parlementaire et les électeurs de sa circonscription dépend beaucoup de la façon dont il est choisi et dont il est tenu de rendre des comptes. S’ils sont élus, les parlementaires issus de minorités auront probablement des liens plus étroits avec la population de leur circonscription que s’ils sont nommés. De même, s’ils figurent sur une liste fermée dans le cadre d’un système de représentation proportionnelle ils seront probablement plus indépendants des électeurs que s’ils sont élus dans le cadre d’un système de listes ouvertes.

En ce qui concerne le devoir de rendre des comptes, il ne doit pas y avoir de différence entre des parlementaires issus des minorités et ceux des communautés majoritaires. Lorsque les parlementaires perdent du crédit, les électeurs doivent pouvoir les dessaisir de leur mandat dans le cadre d’élections périodiques, libres et régulières. Dans le cas des parlementaires représentant des minorités, la validité et la légitimité de leur mandat sont particulièrement importantes, surtout s’ils doivent leur siège à un mécanisme spécial de représentation des minorités. Qu’y a-t-il en effet de moins représentatif qu’un parlementaire d’une minorité qui sert uniquement d’alibi à la majorité et est perçu comme un représentant illégitime de la communauté minoritaire qu’il est censé représenter ?

Les premières observations semblent indiquer qu’il existe un lien entre le niveau de représentation des minorités au Parlement et la présence des minorités au gouvernement. Tandis qu’une importante représentation des minorités parmi les parlementaires ne garantit pas forcément la présence d’un « parti de minorité » au gouvernement, elle augmente certainement la probabilité de voir le parti ou la coalition au pouvoir faire appel à des membres des minorités pour occuper des fonctions ministérielles. La présence de représentants des minorités au gouvernement est un phénomène qui se construit à partir de la base. Les conseillers municipaux des villes et villages constituent un vivier dont sont issus nombre des représentants des assemblées locales et régionales, lesquels viennent ensuite grossir les rangs des candidats susceptibles d’accéder à des fonctions au plan national. De la même façon, une plus grande présence des minorités dans des professions telles que médecins, avocats, professeurs, cadres d’entreprises, etc. permettra d’élargir le nombre des candidats des minorités à une responsabilité politique.

Quel est le lien entre présence et influence, entre l’intégration des minorités dans les institutions gouvernementales et la protection, le statut de ces groupes minoritaires ? A l’évidence, il s’agit là d’une question bien plus large et plus complexe, qui ne peut être résolue par un simple décompte du nombre des élus issus des minorités. Il peut toutefois être utile d’établir un comparatif entre le nombre des parlementaires représentant des minorités et les mesures relatives aux droits des minorités, le climat de sécurité dont jouissent les groupes minoritaires. Il semble logique de supposer que si les minorités sont représentées au Parlement, elles seront moins exposées à la discrimination, et que, dans le cas où elles seraient malmenées, elles auront en tout cas un porte-parole qui pourra appeler l’attention sur ces mauvais traitements. Il existe un lien entre la présence de minorités dans un gouvernement et le respect par un pays des normes internationales et des bonnes pratiques en matière de droits des minorités; par ailleurs il n'est pas rare que les parlementaires issus des minorités soient les fers de lance de la défense des minorités et des droits de l’homme.

Minority inclusion is also an essential component of conflict management and multi-ethnic L’ouverture aux minorités est aussi un élément crucial de la gestion des conflits et de la tolérance pluriethnique dans les sociétés où des querelles portant sur des différences entre communautés sont susceptibles de déboucher sur des conflits violents. La plupart des accords de paix portent une attention particulière au mode d’élection des corps représentatifs et au mode de partage des pouvoirs exécutif et législatif. La présence des minorités dans les corps représentatifs est une condition nécessaire - même si elle n'est pas forcément suffisante - de la prévention des conflits et de leur gestion à plus long terme. Il n’existe pas un seul exemple d’évitement d'un conflit par des voies pacifiques et démocratiques quand la communauté minoritaire est exclue de la représentation législative.