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Au cœur des tempêtes, les parlements des petites îles privilégient l'adaptation et la résilience

Article de fond de l'UIP n° 3

"Par comparaison, les petits États insulaires en développement émettent très, très peu de carbone", souligne Martin Chungong, Secrétaire général de l'Union interparlementaire (UIP). "Et pourtant, c’est eux qui subissent souvent les conséquences les plus graves de cette terrifiante tendance à long terme".

Subissant les pires effets des changements climatiques, les parlements de nombreux petits États insulaires en développement (PEID) se préparent activement à faire face à des phénomènes météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents et intenses, ainsi qu'à l'élévation du niveau de la mer et à d'autres perturbations à long terme.

D'Antigua à Vanuatu, les 57 PEID du monde (39 États souverains et 18 territoires non autonomes) se trouvent souvent situés dans certaines des régions les plus vulnérables de la planète, notamment dans les zones de cyclones tropicaux. Une grande partie de leur surface terrestre est constituée de côtes de faible altitude, ce qui les expose également aux tempêtes et à l'élévation du niveau de la mer. Face aux prévisions selon lesquelles les changements climatiques vont se poursuivre, la relocalisation de certains insulaires a déjà commencé.

"Par comparaison, les petits États insulaires en développement émettent très, très peu de carbone", souligne Martin Chungong, Secrétaire général de l'Union interparlementaire (UIP). "Et pourtant, c’est eux qui subissent souvent les conséquences les plus graves de cette terrifiante tendance à long terme".

Une tempête de catégorie 5, l'ouragan Beryl, s'est abattue sur la région des Caraïbes en juillet 2024, en raison, du moins en partie, des températures exceptionnellement élevées à la surface des océans. Bien qu'elle soit arrivée particulièrement tôt dans la saison, les scientifiques affirment que cette tempête serait l'un des sept ouragans majeurs qui pourraient frapper l'Atlantique Nord cette année.

 

Adaptation et résilience

Compte tenu de leurs faibles émissions et de leur extrême vulnérabilité, la plupart des PIED privilégient l'adaptation et la résilience.

La protection des côtes est un thème important, notamment la restauration de l'environnement, la construction de digues et d'autres défenses côtières. De nombreuses stratégies climatiques prévoient également des systèmes d'alerte précoce, des préparatifs d'urgence et une urbanisation adaptée au climat.

 

Les parlementaires contribuent à de tels efforts en élaborant des budgets et des lois sur le climat, et en demandant à leurs gouvernements de rendre compte de la mise en œuvre. À l'Assemblée nationale des Seychelles, la Commission des affaires internationales met l’accent sur les changements climatiques, notamment sur la mise en œuvre des promesses faites lors de la COP26, la Conférence des Nations Unies sur le climat, qui s'est tenue à Glasgow en 2021.

Lors de la COP28, fin 2023, Waven William, parlementaire des Seychelles et Président de la Commission permanente du développement durable de l'UIP, a parlé de l'importance de l'engagement parlementaire auprès du public. Il a également décrit les efforts déployés par les Seychelles pour renforcer la résilience, faisant valoir que l'archipel de 115 îles est en avance sur le calendrier prévu pour protéger ses écosystèmes d'herbes marines et de mangroves.

Le pays renforce également son littoral par de grands projets d'adaptation à l'érosion côtière.

À Trinité-et-Tobago, certains villageois utilisent le vétiver pour restaurer leur environnement, protégeant les collines escarpées contre les risques de fortes pluies et de glissements de terrain.

La Ministre de la planification et du développement du pays, Penelope Buckles, a fait part à l'UIP de l’action de son pays en faveur d'une transition juste, renonçant à une économie largement basée sur la production de pétrole et de gaz au profit d'une économie plus durable.

"Vous imaginez bien qu'il n'est pas facile d'aborder la question lorsque l'on s'est consacré aux combustibles fossiles pendant plus d'un siècle", a-t-elle déclaré. "Nous avons également examiné la politique de transition équitable de la main-d'œuvre, qui vise à améliorer les compétences et à rééquiper les travailleurs, conformément au principe des Nations Unies qui consiste à ne laisser personne de côté", a-t-elle ajouté.

La stratégie nationale du pays en matière de climat se caractérise également par des mesures phares telles que la détaxation des importations de véhicules électriques et des projets d'économie verte à base d'hydrogène.

En mai, l'UIP et le Parlement de Trinité-et-Tobago ont organisé un séminaire régional pour discuter des dernières données et évolutions en matière de climat, et mettre en lumière les meilleures pratiques.

"Vous imaginez bien qu'il n'est pas facile d'aborder la question lorsque l'on s'est consacré aux combustibles fossiles pendant plus d'un siècle", a-t-elle déclaré. "Nous avons également examiné la politique de transition équitable de la main-d'œuvre, qui vise à améliorer les compétences et à rééquiper les travailleurs, conformément au principe des Nations Unies qui consiste à ne laisser personne de côté", a-t-elle ajouté.

Échange de connaissances

L'UIP tient à favoriser l'échange de connaissances, d'informations et de bonnes pratiques. En mars 2024, en collaboration avec l'Arizona State University (ASU), elle a envoyé des parlementaires de quatre pays pour une réunion dans les Alpes suisses regroupant près de 300 experts, entrepreneurs, investisseurs et philanthropes de premier plan dans le domaine du développement durable.

Les participants au Sommet du Villars Institute ont discuté des moyens d'accélérer la transition vers une économie à zéro émission nette et de s'attaquer à la crise de la biodiversité. Des parlementaires des Seychelles et de Tonga ont expliqué les défis exceptionnels auxquels sont confrontés les PEID.

Financement de l’action pour le climat

Certaines solutions visant à limiter la mortalité et la destruction liés au climat nécessiteront toutefois des investissements importants. Selon la Banque mondiale, les PEID devront dépenser jusqu'à 2 % de leur PIB chaque année pour protéger leurs infrastructures et investir dans les défenses côtières.

 

Contrôle de l'érosion côtière aux Seychelles  (Copyright William Waven).

En 2009, les pays à revenu élevé ont accepté de mobiliser 100 milliards d'USD par an pour le financement de la lutte contre les changements climatiques en faveur des pays à revenu faible et intermédiaire, un objectif qui a finalement été atteint en 2022. Les besoins ayant augmenté, de nombreux pays réclament aujourd'hui 1 000 milliards d'USD par an.

Certains PEID seraient ravis d'emprunter sur les marchés privés, mais le système financier mondial empêche la plupart d'entre eux d'obtenir les prêts dont ils ont besoin aux taux qu'ils peuvent se permettre et trop d'argent est dépensé pour honorer des dettes énormes.

En juillet 2022, la Première Ministre de la Barbade, Mia Amor Mottley, a lancé l'initiative de Bridgetown, appelant à une action urgente et ferme pour réformer l'architecture financière internationale.

"Si les pays à revenu faible ou intermédiaire ne peuvent pas accéder aux financements dont ils ont besoin à des taux abordables, le monde perdra sa bataille climatique", a noté Martin Chungong (UIP).

"C'est une perte pour nous tous et cela explique pourquoi le financement sera un enjeu majeur lors de la COP29", a-t-il ajouté, en référence aux négociations prévues à Bakou, en Azerbaïdjan, entre le 11 et le 22 novembre 2024.

"Si les pays à revenu faible ou intermédiaire ne peuvent pas accéder aux financements dont ils ont besoin à des taux abordables, le monde perdra sa bataille climatique", a noté Martin Chungong (UIP). "C'est une perte pour nous tous et cela explique pourquoi le financement sera un enjeu majeur lors de la COP29", a-t-il ajouté, en référence aux négociations prévues à Bakou, en Azerbaïdjan, entre le 11 et le 22 novembre 2024.

Études de cas

Seychelles

Merveille composée de 115 petites îles fertiles et rocheuses, les Seychelles s’étendent sur une parcelle de l'océan Indien plus de deux fois plus grande que la France. Elles ont une population minuscule d'environ 100 000 habitants et leur économie, qui est l'une des plus riches d'Afrique, dépend largement du tourisme et de la pêche, deux secteurs fortement menacés par les changements climatiques.

L'évolution des conditions météorologiques et océaniques entraîne des sécheresses, des inondations, des glissements de terrain, l'érosion des côtes, etc. Les infrastructures côtières essentielles, notamment les aéroports, les ports, les usines de dessalement, les routes, les hôtels et d'autres bâtiments, ont toutes été endommagées. L'environnement sous-marin, qui est si attrayant pour les touristes, est gravement touché par l'acidification des océans et le blanchiment des coraux.

Les Seychelles n'émettent pratiquement pas de gaz à effet de serre, mais leur stratégie climatique prévoit une transition vers les énergies renouvelables, l'intégration des considérations relatives aux changements climatiques dans les politiques, stratégies et plans nationaux, ainsi que le développement des capacités permettant à tous les niveaux de la société d’agir face à l'urgence climatique.

En 2015, les Seychelles ont effacé près de 22 millions d’USD de leur dette en échange de la création de 13 nouvelles zones marines protégées où la pêche, la prospection pétrolière et d'autres activités sont interdites ou fortement limitées.

L'Assemblée nationale, qui ne compte qu'une seule chambre, recueille l'eau de pluie pour ses activités quotidiennes, a installé des panneaux solaires et interdit l'utilisation de bouteilles en plastique à usage unique sur le site du parlement.

 

Tonga

Les Tonga sont un groupement de plus de 170 îles réparties dans le Pacifique Sud, sur une superficie équivalente à celle du Japon, dont l'économie repose essentiellement sur l'agriculture et la pêche, ainsi que sur les envois de fonds depuis l'étranger, en particulier de la Nouvelle-Zélande. Grâce aux plages tropicales, à la forêt vierge et aux volcans actifs, le tourisme est également une importante source de revenus.

D’après la contribution déterminée au niveau national (CDN) des Tonga pour 2020, les principales menaces liées aux changements climatiques comprennent l'évolution des températures, la modification du régime des précipitations, l'élévation du niveau de la mer, l'acidification des océans et les cyclones tropicaux.

Une éruption volcanique en 2022 a mis en évidence la vulnérabilité de cette nation du Pacifique en provoquant un tsunami avec des vagues de 15 mètres de haut, qui a détruit des villages entiers et causé des dégâts estimés à 90 millions d'USD, soit 18,5 % du PIB. 

Les Tonga s'efforcent de capturer le carbone et de renforcer la résilience en consacrant 30 % de leurs terres à la sylviculture ou à l'agroforesterie. Elles prévoyaient également de planter un million d'arbres avant 2023, y compris des espèces côtières telles que les mangroves. Les Tonga, qui comptent un peu plus de 100 000 habitants, protégeront en outre 30 % de leurs eaux côtières, ce qui sera bénéfique à la biodiversité marine et aux stocks de poissons.

Les Tonga sont l'un des pays les plus exposés aux risques naturels tels que les cyclones et les inondations. Seule nation insulaire du Pacifique à ne pas avoir été colonisée et dernière monarchie de Polynésie, les Tonga ont mis fin à 165 ans de régime féodal en élisant un parlement en 2010.

 

 

Trinité-et-Tobago

Bien qu’il soit petit, l'État que forment les deux îles jumelles principales et les autres îles plus petites de Trinité-et-Tobago est bien développé. Le Rapport sur le développement humain 2023-2024 des Nations Unies le classe au 60e rang sur 193 pays et territoires. Avec une population de 1,3 million d'habitants, ce succès s'explique au moins en partie par sa production de pétrole et de gaz. Le pays est également devenu un centre financier important dans les Caraïbes.

Toutefois, comme de nombreux autres petits États insulaires en développement, Trinité-et-Tobago est extrêmement vulnérable aux changements climatiques. Plus de 70 % de la population, 80 % de l'activité économique et 50 % des axes de transport essentiels sont situés dans la zone côtière. Le pays subit déjà les effets néfastes des changements climatiques et, sur la base des meilleures données scientifiques disponibles, il s'attend à ce que les phénomènes météorologiques extrêmes deviennent plus fréquents et plus intenses. Les tempêtes tropicales, l'élévation du niveau de la mer, les inondations et la perte potentielle d'écosystèmes côtiers sont autant de menaces sérieuses pour le développement durable. 

La politique climatique nationale de Trinité-et-Tobago met l’accent sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la promotion des énergies renouvelables et le renforcement de la résilience aux répercussions climatiques. L'État insulaire est l'un des premiers pays du monde qui s’est intéressé à une transition juste, visant à requalifier la main-d'œuvre et à faire en sorte que chacun s'investisse en faveur du passage à une économie verte.

 

Découvrez-en davantage sur la campagne de l’UIP visant à mobiliser les parlements pour agir face à l’urgence climatique

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