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Sir William Randal Cremer, fervent partisan de l'arbitrage

... L'exemple de ces nations qui préfèrent l'arbitrage à la guerre, les tribunaux au champ de bataille, influera tôt ou tard sur les puissances belligérantes et rendra la guerre aussi impopulaire que ne l'est aujourd'hui le pugilat. – Sir William Randal Cremer

(Extrait de son discours prononcé en 1905, deux ans après avoir reçu le Prix Nobel de la paix)

Sir William Randal Cremer, ou Randal Cremer, comme il préférait qu'on l'appelât, naquit dans une famille pauvre et fut l'un des premiers parlementaires britanniques issus de la classe ouvrière. Chef de file du mouvement pacifiste international de la fin du XIXème siècle, il fut également le premier lauréat individuel du Prix Nobel de la paix.

Cremer vit le jour dans la petite ville de Fareham, dans le sud de l'Angleterre, le 18 mars 1828.  Peu de temps après sa naissance, son père – peintre de coche – abandonna la famille, laissant sa mère l’élever seule avec ses deux sœurs dans le plus grand dénuement.

Il quitta l'école à l'âge de 12 ans pour aller travailler 12 heures par jour sur un chantier naval de sa région. Puis, à 15 ans, il devint apprenti charpentier.  Désireux de poursuivre son éducation, Cremer allait régulièrement assister à des conférences, dont une en particulier eut un effet indélébile sur le jeune homme. L'orateur y défendait un règlement pacifique des différends internationaux, un message que Cremer n'oublierait alors plus jamais.

Parti s'installer à Londres à l'âge de 24 ans, Cremer s'engagea activement au sein du mouvement ouvrier. Plus tard, il prit part à la campagne en faveur de la journée de travail de neuf heures et fonda un syndicat des charpentiers.

Il afficha un intérêt marqué pour les droits des travailleurs à l'étranger, notamment ceux embarqués dans des conflits dans lesquels ils n'avaient aucun intérêt. En 1864, Cremer fut élu Secrétaire général de l'Association internationale des travailleurs, à laquelle adhérèrent Karl Marx et d'autres figures du mouvement socialiste. Mais il démissionna deux ans plus tard en déclarant que l'organisation était passée sous le contrôle d'« hommes plus soucieux de leurs ismes que du véritable combat pour le progrès ».

C'est la guerre franco-prussienne qui poussa Cremer à rallier la cause pacifiste. Le 21 juillet 1870, il organisa à Londres une réunion publique à l’intention d'ouvriers en vue d’une opposition à toute intervention de la Grande-Bretagne. Ils formèrent un « Comité pour la paix » qui prit ensuite le nom de Workmen’s Peace Association, avant de devenir la Ligue internationale d'arbitrage. Le Comité avait pour objectif visionnaire de « plaider pour le règlement de tous les différends internationaux par l'arbitrage et pour la création d'une Haute Cour des Nations qui en serait chargée ».

Souhaitant s'impliquer davantage en politique, Cremer remporta un siège parlementaire en 1885, au moment où une réforme du découpage administratif a débouché sur la création d’une nouvelle circonscription, celle de Haggerston, dans l'East End londonien, constituée presque exclusivement d'électeurs de la classe ouvrière.

Fraîchement élu, il ne tarda pas à plaider en faveur de la paix par la mise en pratique d'une « action politique concrète » au Parlement, où il devint bientôt le « député de l'arbitrage » après s'être rendu à Washington à la tête d'une délégation pour présenter au Président Cleveland un mémoire qui avait recueilli la signature de 234 parlementaires britanniques et qui proposait la conclusion d'un traité d'arbitrage entre la Grande-Bretagne et les États-Unis d'Amérique.  

Au même moment, le Parlement français examinait la motion sur l'arbitrage qui venait d'être présentée par Frédéric Passy. Ayant eu vent de cette initiative, Cremer écrivit à Passy en lui proposant d'organiser une rencontre entre parlementaires français et britanniques pour un échange de vues. La rencontre eut lieu à Paris en octobre 1888. Malgré le nombre restreint de participants – 25 parlementaires français et 9 de leurs homologues britanniques –, le groupe décida de se réunir à nouveau l'année suivante à Paris.

Cette deuxième réunion eut lieu le 30 juin 1889 à l'Hôtel Continental, en présence de 83 parlementaires français et britanniques rejoints par 11 de leurs homologues venus de sept autres pays. C'est alors que fut institutionnalisée la rencontre, donnant naissance à la Conférence interparlementaire, qui deviendra par la suite l'Union interparlementaire. Frédéric Passy en fut élu Président et Cremer Vice-Président.

L'engouement de Cremer pour l'arbitrage fut l'élément moteur qui amena l'UIP à jouer un rôle prépondérant dans la création de la Cour permanente d'arbitrage à La Haye en 1899.

Ses efforts vers l'avènement d'un monde plus pacifique furent finalement récompensés en 1903, lorsqu'il remporta le Prix Nobel de la paix. Il fit don des 8 000 livres sterling reçues au titre du prix à la Ligue internationale d'arbitrage.

La réunion de l'UIP de 1906, organisée à Londres, fut un triomphe personnel pour Cremer. Le Premier ministre britannique, Sir Henry Campbell-Bannerman, accueillit en effet 617 Membres de l'UIP à la Chambre des Lords. L'Organisation comptait alors 2 500 parlementaires membres et 38 traités d'arbitrage avaient été signés par 38 puissances.

L'homme politique britannique continua pendant de nombreuses années encore son inlassable combat en faveur des travailleurs. Il fut anobli en 1907, avant de s'éteindre le 22 juillet 1908.