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Chambre des députés du Chili : le Congrès en temps de pandémie

Bulletin de l'innovation | Septième édition | 16 déc 2020
Parliament of Chile

Des moniteurs ont été installés dans la salle pour afficher l'image des participants à distance et des séparations ont été posées sur chaque pupitre pour respecter la distanciation sociale. © Parlement du Chili

La pandémie provoquée par le coronavirus a eu de fortes répercussions sur la vie de nos concitoyens, tant sur le plan économique que social. Le parlement a donc dû prendre de toute urgence des mesures draconiennes pour répondre aux demandes nouvelles des citoyens en ces temps complexes de pandémie. À l'échelle internationale, nombreux ont été les parlements qui ont donné la preuve de leur grande capacité de réaction et de résilience, notamment grâce à la technologie, qui a joué un rôle important dans le maintien de la continuité des travaux parlementaires.

À la mi-mars, la Chambre des députés du Chili s'est vue contrainte de charger son service informatique de revoir de fond en comble ses objectifs et projets annuels en se donnant comme finalité de garantir la continuité à distance des activités régulières de la chambre, parmi lesquelles les débats, les votes et la gestion des documents nous sont apparus comme prioritaires.

Étant donné l'urgence de la situation, la Chambre des députés du Chili a dû élaborer un plan à très court terme, dont l'objectif était de fournir des outils technologiques modernes à la chambre et aux commissions pour qu'elles puissent se réunir dans les meilleures conditions en dépit des circonstances. Ce plan a pris la forme de quatre lignes directrices. La première, qui se réfère au contexte légal, domaine clé pour la coordination des autres mesures, prévoit les modifications juridiques requises pour que le parlement soit autorisé à tenir des réunions hybrides, c'est-à-dire à la fois en présentiel et à distance. La deuxième concerne la mise à disposition d'une plateforme d'applications permettant de tenir des réunions en format hybride en conservant les principaux services fournis par l'administration parlementaire, notamment l'appui aux plénières et aux réunions des commissions, la transmission des documents et l'appui aux procès-verbalistes. La troisième ligne directrice, qui concerne la formation et la culture institutionnelle, prévoit notamment de former les parlementaires à l'utilisation des nouvelles technologies mises en place dans le cadre de ce mode de fonctionnement inédit. La dernière ligne directrice se rapporte à l'infrastructure, à savoir les éléments facilitant la mise en œuvre des fonctions à distance, qui incluent des aspects technologiques tels que la sécurité du réseau, la largeur de bande minimale, les dispositifs autorisés, ainsi que les moniteurs et les écrans permettant de maintenir la distanciation sociale dans les salles.

Aspects juridiques

La Constitution déclare que la Chambre des députés ne peut siéger et voter valablement qu'en présence d'un tiers de ses membres au moins. Jamais auparavant ne s'était posée la question de savoir si une telle présence devait être exclusivement en chair et en os ou si elle pouvait passer par des supports électroniques. Une réforme constitutionnelle contenant une disposition transitoire a donc été présentée, examinée et approuvée afin d'autoriser le Sénat et la Chambre des députés à siéger par voie électronique pendant un an, et tant que perdurent les restrictions (disposition transitoire n° 32), en cas de quarantaine sanitaire ou d'état d'urgence constitutionnel consécutif à la survenue d'une catastrophe mettant gravement en péril la santé et la vie des habitants du pays ou d'une ou plusieurs de ses régions et entravant, en tout ou partie, la bonne tenue des sessions. Cette disposition, qui est entrée en vigueur le 26 mars 2020, a été amendée le 30 mai 2020 afin de s'appliquer au Congrès dans son ensemble. Comme on peut le constater, cette autorisation, qui pose comme condition la survenue d'une catastrophe, est relative et limitée à un an. En outre, la procédure électronique doit garantir que les parlementaires puissent voter de façon individuelle, fondée et sans procuration. Cette autorisation étant globale, il est précisé que la tenue en ligne d'une réunion particulière exige l'accord des chefs des groupes politiques représentant les deux tiers des membres de la chambre concernée. La chambre a décidé de ne pas modifier son règlement, mais d'adopter quelques règles d'application provisoires concernant les travaux en plénière et en commission.

Plateforme d'applications

La nécessité de disposer d'une plateforme d'applications a poussé le parlement à se lancer dans le développement de logiciels, facteur central pour la résilience de l'organisation. Dans le cas de la Chambre des députés, c'est le service informatique de la chambre qui a été chargé de développer en interne cette plateforme.

La première étape de la mise en œuvre du système a consisté à activer les réseaux privés virtuels afin de garantir un accès sécurisé aux moyens technologiques proposés. Une des premières décisions prises a donc concerné les procès-verbalistes, qui ont été invités à s'acquitter de leur tâche en ligne grâce aux systèmes mis en place.

Il a également été décidé de tester un logiciel permettant de poursuivre les débats dans des conditions adaptées aux circonstances. Les plateformes de visioconférence Team, Jitsi et Zoom ont donc été évaluées dans l'optique de se doter d'un outil permettant de tenir des réunions du parlement en présentiel et à distance. C'est la plateforme Zoom qui a finalement été retenue, notamment pour les fonctionnalités qu'elle propose, le nombre de participants qu'elle permet de voir à l'écran, sa facilité d'utilisation et son potentiel d'intégration dans nos applications.

La première réunion en présentiel et sur Zoom a eu lieu le 21 avril 2020. Entre cette date et le mois de septembre 2020 ont eu lieu 54 réunions en ligne, qui ont donné lieu à 505 votes, au cours desquels 41 640 voix ont été exprimées à distance. Pour ce qui est des réunions de commissions, 776 réunions hybrides ou mixtes ont eu lieu.

Pour assurer le bon déroulement des réunions de la chambre, une application existante (www.camara.cl/sala) permettant d'accéder à toute la documentation de la réunion a été modifiée par l'ajout de fonctions d'authentification à distance, de demande de prise de parole et d'accès direct à la visioconférence Zoom. Cet accès aux diverses réunions Zoom est géré par une application fournissant aux parlementaires qui accèdent à la plateforme les coordonnées de connexion de chaque réunion.

En ce qui concerne le vote, le parlement a développé en interne un système permettant de voter à distance sur des appareils mobiles (iPhone ou Androïde). Cette application, qui offre un niveau de sécurité extrêmement élevé, est intégrée dans le système de vote électronique. Les résultats du vote sont donc consolidés et c'est le total des voix des personnes présentes et votant à distance qui apparaît sur les écrans LED situés dans la salle de réunion. Ce système fonctionne en temps réel. Lorsque le président déclenche un vote, un message est envoyé sur les appareils des parlementaires, qui s'authentifient au moyen d'un code secret et peuvent, après avoir reçu le document ou l'objet du vote, communiquer leur choix. Au cours du vote, le président dispose d'une console lui donnant accès au système de vote interne, qui rassemble les voix des personnes présentes et celles des personnes votant à distance sur Zoom, ce qui lui permet de savoir qui a voté et de s'assurer que les exigences réglementaires fixées ont bien été respectées.

Graph

Console de gestion du vote électronique du président

Malgré les applications de vote en place, il peut se produire des impondérables venant perturber le processus de vote, par exemple une chute du débit de données, des problèmes affectant l'application de vote ou toute autre situation exceptionnelle rendant le vote impossible. Dans un tel cas, si le parlementaire est effectivement présent sur Zoom, le président peut lui demander de déclarer à haute voix comment il souhaite voter et intégrer sa voix au vote. En général, quatre ou cinq députés votent ainsi à chaque fois.

En ce qui concerne les réunions des commissions, une plateforme de gestion accessible par Internet a été mise à disposition. Une fois que le parlementaire s'est authentifié, toutes les réunions de commissions en cours s'affichent et lui sont accessibles, le droit de vote étant par contre exclusivement réservé aux membres de plein droit de la commission. Cette méthode offre des avantages certains par rapport au présentiel, car elle donne aux parlementaires l'accès aux diverses commissions en temps réel et leur permet d'assister à celle qui les intéresse le plus.

Le bureau virtuel, créé dans l'optique de permettre aux parlementaires de continuer à s'acquitter à distance de leurs tâches administratives, constitue une autre fonction extrêmement utile. Cette plateforme leur permet de s'occuper efficacement des projets de loi, des rapports d'audit et des argumentaires à produire, entre autres. Les documents sont remis au service responsable afin qu'il les place dans le fichier de la prochaine réunion ou les transmette à leur destinataire pour traitement ultérieur. Cette application respecte les critères et les conditions d'utilisation de chaque document. Il arrive par exemple fréquemment qu'un document doive être entériné par un nombre minimum de parlementaires. Si tel est le cas, le système envoie une notification aux personnes concernées avant de transmettre le document sur support électronique pour traitement ultérieur une fois la procédure menée à bonne fin. Ce système, qui standardise et centralise la gestion des documents et passe par un système de notification et de validation sur une plateforme mobile, a considérablement facilité la soumission de documents. À ce jour plus de 1000 soumissions de documents ont eu lieu par ce biais depuis le mois d'avril.

Pour compléter ce système et dans l'optique de compenser les restrictions empêchant les parlementaires et les fonctionnaires de la chambre d'être physiquement présents, une application permettant de signer des documents a été conçue et intégrée à certaines étapes clés de la procédure législative (rapports de commissions, dossiers, etc.). Cette application s'active automatiquement lors des étapes auxquelles elle est intégrée, ce qui permet aux personnes concernées de gérer efficacement leurs documents, dont la validité est préservée, notamment au moyen de la signature électronique.

En conclusion, la pandémie a constitué un défi majeur pour le parlement, qui doit mettre toutes ses capacités techniques à contribution pour continuer à fonctionner de la façon la plus satisfaisante possible étant donné les circonstances. La technologie, qui a permis de commencer à utiliser de nouveaux outils destinés à améliorer l'efficacité des travaux parlementaires, a constitué un facteur clé dans l'adaptation du parlement à un mode de fonctionnement à distance. Enfin, à l'instar d'un grand nombre de procédures instaurées dans des circonstances exceptionnelles, il est fort probable que ces mesures seront définitivement adoptées par le parlement, notamment en raison de leur facilité d'accès et d'utilisation, ainsi que du fait qu'elles réduisent souvent les temps de traitement et l'impact sur l'environnement et constituent un pas de plus sur la voie de la transformation numérique.