Accélérer la transformation numérique apparaît comme une nécessité pour protéger la démocratie parlementaire. Malheureusement, comme le montre clairement le Rapport mondial 2024 de l’UIP sur l’e-Parlement, la fracture numérique ne cesse de se creuser. D’un côté, les parlements modernes utilisent les nouvelles technologies pour accélérer leurs travaux et se rapprocher de leurs électeurs. Mais on constate également que de nombreux parlements, notamment dans les pays à faible revenu, sont à la traîne. Ils peinent à accéder aux derniers outils numériques, ce qui les empêche d’améliorer leur fonctionnement et donc d’honorer pleinement leur mandat de représentation des citoyens.
À une époque où la crédibilité de la démocratie parlementaire est parfois remise en question, il est dans notre intérêt commun de veiller à ce que les parlements œuvrent au service des citoyens. Pour ce faire, nous devons exploiter tout le potentiel des technologies numériques, collaborer pour réduire la fracture numérique et soutenir les parlements qui en ont le plus besoin.
Dès 2008, lorsque l’UIP a publié son premier Rapport mondial sur l’e-Parlement, les technologies de l’information et de la communication (TIC) étaient déjà devenues incontournables. En facilitant la collecte, le traitement et le partage de l’information par les parlements, ces nouvelles technologies permettent aux parlementaires d’utiliser plus efficacement leur temps et d’autres ressources limitées. La transformation numérique constitue donc une formidable opportunité.
Or, il s’est avéré que nous avons sérieusement sous-estimé l’importance de ce phénomène. Des événements mondiaux de premier plan nous ont montré depuis lors que la transformation numérique joue un rôle essentiel pour assurer la résilience des parlements et protéger nos démocraties contre toute une série de graves menaces.
En 2020, par exemple, lorsque la pandémie de COVID-19 s’est abattue sur le monde, les parlements ont été contraints d’adopter de nouvelles méthodes de travail et, pendant une longue période, le travail à distance est devenu la nouvelle normalité. Les parlements qui avaient entamé leur transformation numérique étaient mieux à même de mettre en place les changements nécessaires. Les parlements qui disposaient déjà d’un certain niveau d’infrastructure numérique ont pu plus facilement poursuivre leurs travaux malgré la limitation des réunions en présentiel.
À la fin de l’année 2024, la moitié de la population mondiale aura participé à des élections, dont certaines auront des répercussions à l’échelle régionale ou mondiale. Dans certains cas, la désinformation s’est hélas invitée dans le débat, avec pour effet de déformer la vérité et d’empêcher les citoyens de prendre des décisions éclairées. Les parlements les mieux armés pour lutter contre cette nouvelle menace sont ceux qui disposent des outils numériques et des ressources humaines qui leur permettent de se positionner comme une source crédible d’informations exactes et pertinentes.
POURQUOI AMORCER LA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE ?
Si certains responsables parlementaires hésitent encore à investir dans la transformation numérique, c’est-à-dire à intégrer les technologies numériques dans tous les aspects de leur travail, je les invite à réfléchir aux trois arguments suivants.
Premièrement, les outils numériques permettent aux parlements de favoriser le développement durable. Ils améliorent la prise de décision et optimisent le déroulement du travail législatif. Les législateurs et leurs collaborateurs peuvent ainsi partager des informations, collaborer efficacement et suivre l’avancement des projets de loi sans avoir à recourir à des processus papier fastidieux. Cela permet de réduire les goulets d’étranglement bureaucratiques, de diminuer les coûts administratifs et de libérer des ressources qui peuvent être utilisées efficacement dans d’autres domaines.
Deuxièmement, et ce point est étroitement lié au précédent, la transformation numérique contribue à préserver la légitimité du parlement. Cette légitimité dépend en partie de la capacité du parlement à répondre aux besoins de la population, mais les outils numériques permettent également de dialoguer avec l’ensemble des citoyens. Grâce au partage de l’information, notamment par la diffusion en direct des débats parlementaires, les parlements peuvent se rapprocher de la population comme jamais auparavant. Dans certains cas, la transformation numérique permet aux parlements non seulement de s’adresser à leurs électeurs, mais aussi de recueillir leur parole.
Troisièmement, comme nous le constatons de plus en plus souvent, la transformation numérique permet aux parlements de travailler plus efficacement, aussi bien en interne qu’avec d’autres parlements dans le monde. Les plateformes numériques permettent aux parlements de collaborer, de partager les bonnes pratiques et de se soutenir mutuellement sur des questions telles que les changements climatiques et les conflits.
CENTRE DE l’UIP POUR L’INNOVATION AU PARLEMENT (CIP)
Tous les parlementaires doivent s’encourager mutuellement à poursuivre la transformation numérique, souvent en utilisant la vaste gamme de ressources proposées par l’UIP et en faisant appel à son assistance technique pour moderniser l’ensemble de leurs outils numériques.
Notre Centre pour l’innovation au parlement (CIP) permet, par exemple, de réunir les parlements, de partager des connaissances et de mettre à disposition une plateforme utile pour l’élaboration de bonnes pratiques en matière de planification stratégique, de gestion des documents et dans d’autres domaines. Plus récemment, le CIP a élaboré de nouvelles lignes directrices sur l’utilisation de l’intelligence artificielle, dont la publication est prévue pour le mois prochain.
Compte tenu de la vitesse à laquelle progresse la révolution numérique, l’avenir de nos démocraties parlementaires pourrait dépendre en partie de notre capacité à nous adapter et à innover. Si nous investissons aujourd’hui dans la transformation numérique, nous serons assurément mieux préparés à relever les défis de demain. La dernière décennie nous a enseigné que de nouveaux défis inattendus ne manqueront pas de se présenter.
La transformation numérique permet aux parlements d’optimiser leur fonctionnement en étant efficaces, transparents et pleinement impliqués auprès de leurs électeurs. Elle offre des possibilités extraordinaires de rationaliser l’activité et d’accroître la productivité. Nous devons tous faire tout ce qui est en notre pouvoir pour accélérer cette transformation numérique au parlement, au niveau national et dans le monde entier.
Martin Chungong, Secrétaire général de l’UIP