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Études de cas

La recherche prospective : les innovations parlementaires à travers le monde

Le centre de prospective du Parlement estonien

Le centre de prospective du Parlement estonien

Le Programme des Nations Unies pour le développement définit les commissions parlementaires du futur – entre autres appellations – comme des "structures au sein des parlements chargées de travailler sur les questions liées à l’anticipation et à la prospective dans le cadre de l’activité parlementaire". La première commission de cette nature a été établie en 1993 par le Parlement de Finlande, ouvrant la voie à une approche parlementaire pour élaborer des stratégies nationales de long terme et relever les défis futurs.

Ces dernières années, les parlements de différents pays, notamment le Chili, la Lituanie, les Philippines et l'Uruguay, ont adopté des approches similaires en établissant des commissions visant à soutenir les générations futures, recenser les possibilités et les menaces à venir, et envisager des stratégies de long terme. Depuis 2022, l'Union interparlementaire co-organise le Sommet mondial des commissions du futur, une plateforme qui encourage la collaboration et l'échange de connaissances.

Au vu de la complexité du processus prévisionnel, il convient d’avoir recours à des experts pour consolider les fondations scientifiques et professionnelles de cette activité. C’est pour répondre à ce besoin que des structures parlementaires dédiées à la réflexion prospective ont été créées. Une poignée de parlements ont établi des unités de recherche internes dans ce domaine, que la présente étude de cas entend décrire. 

Parlement estonien : le centre de prospective

Le Foresight Centre (centre de prospective), établi en 2016 par la loi sur la prospective, est un groupe de réflexion opérant au sein de la Chancellerie du Parlement estonien. Il analyse les évolutions sociétales sur le long terme, identifie les nouveaux phénomènes et élabore des scénarios d'avenir, ce qui permet aux parlementaires d'aborder les risques et les possibilités dans une perspective d'avenir. 

Le centre réalise trois à cinq projets de prospective chaque année. Chaque projet est supervisé par un groupe directeur, composé de représentants du Gouvernement, d’universitaires et de parlementaires spécialistes du sujet. Le centre fonctionne également comme une plateforme d'échange de connaissances et organise des conférences politiques avec des parlementaires, des chercheurs et des représentants d'organisations internationales.

La loi sur la prospective précise que le centre exerce ses fonctions en toute indépendance. Pour maintenir cette indépendance, la loi a également créé le conseil de la prospective. Constitué de cinq experts en recherche, en commerce et en technologie nommés par le Parlement, le Président et des universitaires, cet organe supervise les activités du centre. Le conseil a notamment pour mission d'approuver le plan d'action prospective, d'évaluer l'utilisation du budget et d’examiner les suivis et les analyses réalisés.

Les commissions parlementaires, les partis politiques, les entreprises et les organisations œuvrant dans les domaines de la recherche et de la technologie peuvent faire des propositions d'études prospectives. Des travaux de recherche effectués récemment portaient notamment sur l'avenir de la compétitivité économique (2024), les phénomènes et scénarios de transition verte en Estonie (2023) et les consommateurs actifs dans le système énergétique futur (2023).

République de Corée : l'institut des futurs de l'Assemblée nationale

Le National Assembly Futures Institute (institut des futurs de l'Assemblée nationale), établi en 2018 par la loi sur le National Assembly Futures Institute, est un organisme de recherche spécialisé qui relève de l'Assemblée nationale de la République de Corée. Sa fonction principale est d'aider le Parlement à élaborer des politiques en anticipant les défis futurs et en analysant différentes alternatives.

L'institut applique une démarche collaborative et associe des universitaires et des groupes de réflexion extérieurs afin d'obtenir une vaste gamme de perspectives et d'expertise. Il organise des forums sur des questions d'importance majeure, telles que les changements démographiques, la crise climatique et la réforme du système de retraite. Il offre un cadre permettant aux législateurs et aux experts d'étudier et d'élaborer conjointement des solutions efficaces.

Un cadre légal fixe l'indépendance, l'autonomie et la neutralité politique de l'institut. Il est dirigé par un conseil d'administration composé d'experts recommandés par chaque parti représenté au Parlement. Le conseil approuve les plans annuels, supervise l'exécution du budget et exécute d'autres tâches de gouvernance. 

Des avis sur des sujets de recherche possibles sont recueillis chaque année auprès de chaque commission, et le plan de recherche annuel est approuvé par le conseil d'administration. Des travaux de recherche effectués récemment portaient notamment sur les manuels numériques d'IA et l'avenir du système éducatif (2024), les stratégies favorisant le développement durable dans l'industrie de la pêche à l'ère de la crise climatique (2024) et la stratégie à moyen et long termes pour l'évolution démographique et l'approche du Gouvernement (2023).

Parlement du Royaume-Uni : le bureau parlementaire pour la science et la technologie

Établi en 1989 par des fonds qui devaient être temporaires, le bureau parlementaire pour la science et la technologie est devenu une institution permanente du Parlement britannique en 2001. Il fournit des perspectives scientifiques et technologiques aux membres de la Chambre des communes et de la Chambre des Lords, analyse les futures tendances et favorise la collaboration entre parlementaires et chercheurs.

L'une des activités phares du bureau est la veille stratégique, qui analyse les phénomènes émergents et fournit des analyses anticipatives pour aider le Parlement à relever les défis à venir. Afin d'obtenir des résultats de recherche plus fiables et impartiaux, le bureau facilite la participation d'experts de différents domaines à des activités telles que la définition des sujets d'étude, la conduite d'entretiens et la révision de rapports.

Le bureau s'engage à adopter une approche non partisane et à produire des travaux évalués par des pairs. Il est supervisé par un conseil qui veille à l'équilibre politique et associe des membres des deux chambres ainsi que des experts externes recommandés par les académies nationales. Le conseil se réunit tous les trimestres pour définir des orientations stratégiques sur les sujets d'étude, ce qui permet de garantir que les futurs travaux du bureau correspondent pleinement à l'évolution des priorités et des intérêts du Parlement. 

Les commissions parlementaires peuvent demander que le bureau conduise des travaux de recherche sur des sujets d'intérêt par des méthodes telles que la publication des champs de recherche ou des appels à contribution. Des articles publiés récemment portaient notamment sur les défis de gouvernance liés aux risques climatiques et environnementaux, l'innovation et la technologie en matière d'agriculture et d'alimentation de substitution, et l'apprentissage de l'intelligence artificielle et ses impacts sur les enfants et les jeunes (tous publiés en 2024).