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Le point de vue des experts sur l’IA dans les parlements

L'équipe du CIP s’est récemment entretenue avec trois grands spécialistes de l'IA dans les parlements. Nous leur avons posé des questions sur leur travail actuel et les perspectives d’avenir.

Patricia Almeida est Directrice adjointe des systèmes d'information à la Chambre des députés du Brésil et coordinatrice du Pôle de recherche du CIP sur les données parlementaires. La Chambre des députés est réputée en tant qu’incubateur de premier plan et fait figure de précurseur en matière d'IA, notamment grâce à son projet phare, Ulysse. Patricia a récemment terminé des recherches menées à l’échelle mondiale sur l'IA dans les institutions publiques :

Actuellement, il existe trois groupes de parlements en matière d'IA. Le premier est composé de ceux qui ont déjà mené à bien des projets d'IA ayant débouché sur des solutions opérationnelles. Ils s’efforcent désormais de rendre ces solutions pérennes, en mettant l'accent notamment sur les aspects politiques et stratégiques. De plus, ils considèrent qu'il est essentiel d'établir des critères pour les marchés publics englobant les services liés à l'IA. Le deuxième groupe comprend des parlements qui utilisent l'IA en mode expérimental, en testant des solutions dans le but de démontrer les avantages aux dirigeants parlementaires afin d'obtenir un soutien financier. Le troisième groupe de parlements n’utilise pas encore l’IA, nombre d’entre eux ayant encore besoin d’une infrastructure informatique de base, notamment de systèmes législatifs, et en particulier de gouvernance des données, avant de pouvoir envisager l’adoption de l’IA. Chaque groupe présente des besoins distincts et pourrait tirer profit de conseils et d'un appui, en particulier par le biais des réseaux interparlementaires.

Fotis Fitsilis dirige le Département de la documentation scientifique et de la surveillance au Service scientifique du Parlement hellénique, en Grèce. Il mène actuellement des recherches sur l'IA dans les parlements, élabore des directives parlementaires fondamentales autour de l'IA et participe à un projet de la Commission européenne visant à intégrer des fonctionnalités intelligentes dans le processus législatif. Il a souligné l'importance du leadership politique et de la coopération interparlementaire :

Seule une petite minorité de parlements dispose de la capacité nécessaire pour développer des innovations basées sur l'IA et les mettre en place de manière autonome. Les autres ont besoin d'une assistance et d’un support technique importants. Le rôle des directeurs informatiques est exigeant dans de nombreux parlements. Ils doivent faire coexister les outils d'IA avec les systèmes existants. Il se peut que cette approche atteigne ses limites, et il sera impératif d'obtenir le soutien des dirigeants parlementaires. Les parlements, y compris leurs dirigeants, auront besoin de conseils, que pourront leur prodiguer des organisations comme l'UIP et le PNUD. Les réseaux interparlementaires comme le CIP sont bien adaptés pour créer, autour de l’IA, une communauté de praticiens s'engageant activement à soutenir les parlements dans la conception, la mise en place et l'utilisation de l'IA.

Ludovic Delepine est le responsable de l'unité des archives du Parlement européen. Il coordonne le Pôle du CIP sur la gouvernance des TIC et possède un doctorat en IA. L'unité des archives fait figure de précurseur dans l’adoption de l'IA et a récemment lancé un tableau de bord de questions ainsi qu'une recherche de contenu avancée basée sur la reconnaissance automatique des entités nommées. Ces outils permettent aux visiteurs de consulter 38 000 propositions de résolution, questions parlementaires et études historiques couvrant une période de 20 ans d'archives. Il y a également des projets passionnants en cours de développement en matière d'IA. Ludovic a mis en avant l'importance d'une étroite collaboration entre les utilisateurs finaux et les informaticiens dans les parlements lors de la mise en œuvre de solutions basées sur l'IA :

L’IA est déjà dans les parlements. La quasi-totalité des gens en parlent. Lorsque l’on évalue des solutions particulières, il est important de ne pas se limiter uniquement à leur fonctionnalité, comme la conversion de la parole en texte. Au contraire, on doit les ancrer dans des domaines politiques concrets, comme la législation. Cette approche favorise la collaboration entre les utilisateurs finaux et les informaticiens, car les dissocier ne mène pas à la transformation numérique, mais plutôt à une frustration numérique. Les utilisateurs finaux des parlements veulent voir des exemples d'utilisation et comprendre comment ils peuvent tirer parti de la technologie. À partir de là, ils peuvent faire le lien entre cette dernière et leurs besoins professionnels. Et lorsqu’ils s’approprient la technologie, ils entraînent avec eux les informaticiens. L’évolution de l’IA est très rapide, avec de nouvelles solutions venant remplacer les précédentes tous les deux mois. Cela suscite de nombreuses questions, à la fois d’ordre professionnel et technique. C'est pourquoi il est impératif de maintenir un échange sur les exemples concrets d'utilisation, c'est-à-dire sur la manière dont l'IA est mise en œuvre dans les parlements.

L'IA est un phénomène en plein essor, caractérisé par une évolution rapide. La seule certitude que nous ayons, c’est que la conversation que nous aurons dans 12 mois sera radicalement différente de celle d'aujourd'hui. Certains parlements visionnaires ont déjà adopté l'IA, tandis que la plupart attendent de voir son potentiel. Quoi que l’avenir nous réserve, les parlements parviendront à gérer cette transition technologique de manière plus efficace et sécurisée s’ils collaborent et partagent leurs idées et leurs expériences.