Skip to main content

L'émergence du parlement électronique : le point de la situation à la fin juin 2020

Bulletin de l'innovation | Sixième édition | 20 juil 2020
UK Parliament

Le Parlement britannique tient sa première séance de Questions au Premier ministre et de Déclarations ministérielles en ligne au sujet du coronavirus. ©Parlement du Royaume-Uni

La pandémie de COVID-19 a constitué un défi pour chacun d'entre nous. Les parlements, qui se sont soudain trouvés dans l'impossibilité de fonctionner comme ils l'avaient toujours fait, ne font pas exception à la règle. Lorsqu'un tel bouleversement survient, il peut remettre en cause l'essence même de la démocratie.

Bien que nos systèmes de démocratie parlementaire soient de taille à faire face à une crise de l'ampleur et de la complexité du COVID-19, nombreux sont les parlements qui ont eu du mal à poursuivre leurs activités pendant la pandémie. Le télétravail et la distanciation sociale qui se sont imposés ont entraîné une réduction (voire, dans certains cas, une interruption) des réunions parlementaires. Les parlements s'acquittent de deux missions cruciales en ces temps de crise, à savoir contrôler l'action gouvernementale et adopter de nouvelles lois. Lorsqu'ils ne sont pas en mesure de se réunir, ils ne peuvent plus remplir leur mission. Pour certains parlements, cette situation a enclenché une dynamique d'innovation à rythme accéléré, qui a débouché sur la création des premiers parlements hybrides et électroniques. Les technologies numériques se sont imposées comme solution pour le télétravail et la tenue des réunions parlementaires à distance, évolution qui ne disparaîtra pas de sitôt une fois la pandémie finie.

L'enquête menée par l'UIP auprès des parlements pendant la pandémie a révélé qu'en juin 2020, 14 pour cent des parlements avaient interrompu leurs réunions et que 36 pour cent avaient opté pour la tenue de réunions d'une dimension réduite. Quatorze pour cent des parlements, par contre, continuaient à se réunir comme d'habitude, et 17 pour cent avaient opté pour un mode de fonctionnement combinant réunions à distance et en personne.

graphic

Il est trop tôt pour que nous ayons une vision claire des avantages futurs du parlement électronique, ainsi que de ses limites. Le risque que le support électronique n'amoindrisse l'efficacité des débats et ne prive les plénières de leur spontanéité a été évoqué. Ce support s'est toutefois révélé très favorable aux parlementaires vivant dans des zones géographiques reculées. Quoi qu'il en soit, la pandémie de COVID-19 a constitué l'occasion d'accélérer l'innovation parlementaire et de concevoir de nouvelles méthodes de travail susceptibles d'exercer une influence significative sur le mode de fonctionnement futur du parlement.

Graphic

Nous avons mis en exergue quatre secteurs clés pour les parlements désireux de développer un mode de fonctionnement combinant travail à distance et en personne : l'examen et la modification des règlements et procédures, la réflexion à mener autour du télétravail et des réunions en ligne, les conditions requises pour permettre aux parlementaires de participer à distance aux activités parlementaires et, enfin, les éléments de réflexion concernant les technologies numériques sous-jacentes.

Procédure

Avant qu'un parlement ne puisse mener à bien ses activités dans le cadre d'un système combinant travail à distance et en personne, il doit définir les entraves juridiques et de procédure qu'il devra surmonter. Dans de nombreux cas, il est apparu que les systèmes parlementaires étaient structurés de telle manière, sur le plan juridique et de la procédure, qu'il était explicitement ou implicitement entendu que le parlement devait se réunir "en chair et en os" et que les décisions étaient sanctionnées par un vote des parlementaires "présents". De nombreux parlements ont examiné leur cadre législatif et proposé de l'amender, comme en attestent les exemples de l'Afrique du Sud, du Brésil, de l'Espagne, de la Finlande et de la Lettonie. La Chambre des représentants néo-zélandaise et la Chambre des communes britannique ont officiellement amendé leur règlement intérieur afin d'autoriser les réunions en ligne.

Disponibilité du personnel parlementaire et des parlementaires

La réglementation sanitaire publique générale découlant de la pandémie, ainsi que les règles de distanciation sociale imposées aux parlements, exercent de toute évidence une influence sur la disponibilité du personnel. Nombreux sont les parlements qui déclarent que leur personnel travaille à distance autant que faire se peut et qu'un nombre très restreint de collaborateurs parlementaires seulement sont autorisés à se rendre dans les locaux du parlement. Le Parlement européen annonce que son équipe informatique devrait travailler à distance au moins jusqu'en septembre.

Le télétravail exige un accès sécurisé aux systèmes utilisés par les parlements et il va sans dire que les parlements ayant investi dans des solutions d'accès à distance et d'informatique en nuage en amont de la pandémie bénéficient d'un avantage. Le parlement des Maldives offre un excellent exemple de l'avantage conféré par des investissements antérieurs en matière de planification stratégique et d'informatique pour s'adapter aux circonstances actuelles.

Modalités de travail

Lorsqu'un parlement mène ses activités à distance, la procédure en tant que telle change, mais aussi les modalités pratiques qui la sous-tendent. Il faut que les parlementaires aient accès à une connexion Internet suffisamment fiable et rapide, ce qui peut se révéler délicat dans les zones rurales ou éloignées. L'Angola a mis les bâtiments publics régionaux à la disposition des parlementaires dont la connexion personnelle n'est pas de qualité suffisante. Il convient de relever que cette façon de travailler est nouvelle pour beaucoup et que la formation des parlementaires et du personnel parlementaire s'impose donc. Au Royaume-Uni, les parlementaires ont reçu des conseils concernant le choix d'un espace de travail adapté et sa configuration, y compris l'éclairage et l'équipement de base. Le vote constitue l'un des domaines les plus délicats pour les plénières se déroulant partiellement ou intégralement en ligne, mais les parlements doivent également assurer la distribution rapide des documents, la prise en compte des amendements et la gestion des comptes rendus officiels, tout en veillant à préserver l'ouverture et la transparence.

Technologie

Deux plateformes se détachent clairement en matière de visioconférence, à savoir Zoom et Teams de Microsoft, plateformes retenues par la majeure partie des parlements pour leurs plénières, leurs réunions de commissions et leurs réunions internes. D'autres solutions existent, parmi lesquelles Cisco WebEx, Google, Jitsi et Kudo (particulièrement bien adapté aux parlements plurilingues).

Chacun de ces outils présente un certain degré de risque en matière de sécurité et il est donc important de réfléchir à leur mise en œuvre : hébergement sur le cloud public (coût moindre) ou sur une installation privée (coût supérieur) et modalités d'accès offertes aux participants (accès limité à des courriels de domaines spécifiques, etc.). Le coût des licences et les exigences de support technique (tout particulièrement lorsque le nombre d'utilisateurs est élevé) constituent des points importants. L'une des autres questions à se poser concerne l'intégration du système de visioconférence dans l'ancien système de radiodiffusion.

Les informations rassemblées à ce jour révèlent que le grand point faible des systèmes de visioconférence du point de vue de la sécurité est lié à la divulgation accidentelle, sur les réseaux sociaux, des informations relatives à une réunion et du mot de passe d'un utilisateur final. Les parlements soulèvent d'autres sujets d'inquiétude, parmi lesquels le for juridique dans lequel les données recueillies dans le cadre de ces applications sont stockées (ne serait-ce que temporairement) et l'incidence des lois sur la protection des données.

Les débats ne sont qu'une des activités que la technologie doit rendre possible. Les membres doivent aussi être en mesure de recevoir rapidement des documents et de voter. Le vote constitue probablement la procédure la plus délicate à mener en ligne. Certains parlements, dont ceux du Brésil, de l'Espagne, du Royaume-Uni et de la Zambie, ont mis au point en interne des applications donnant aux parlementaires la possibilité de voter. La Lettonie a récemment déployé un système de parlement électronique sécurisé lui permettant de mener l'intégralité de ses activités en ligne. Les parlements de plus petite taille se contentent des fonctions de vote et de sondage offertes par les plateformes de visioconférence.

Les informations glanées auprès des parlements donnent à penser que séparer la plateforme de visioconférence de la technologie utilisée pour le vote est une solution intéressante lorsqu'elle est possible. Elle permet notamment de changer plus facilement de plateforme de visioconférence.

Contribution du CIP

Le Centre pour l'innovation au parlement de l'UIP a joué un rôle majeur tout au long de la pandémie en aidant les parlements du monde entier à s'adapter à cette situation nouvelle et délicate.

  • Nous avons coordonné et largement diffusé les mesures adoptées par les parlements, présenté nos connaissances à l'occasion de webinaires destinés à des publics aussi différents que ceux de l'Ukraine, des Balkans occidentaux et de l'Amérique latine, régulièrement publié des blogs et des articles et aidé les médias généralistes un peu partout dans le monde à comprendre l'incidence de la pandémie sur les parlements et les solutions retenues.
  • Par l'intermédiaire de nos pôles régionaux, nous avons organisé des réunions en ligne visant à permettre aux parlements d'Afrique australe et d'Amérique latine de mettre en commun leurs bonnes pratiques, de débatte d'innovation et de trouver des solutions.
  • Nos groupes en ligne ont assuré un lien vital entre une bonne cinquantaine de parlements désireux de confronter leurs idées, de débattre des solutions à adopter et de collaborer.