Skip to main content
Études de cas

Accord d'Escazú : l’Argentine renforce la participation du public aux questions environnementales

Escazu

© Fotoholica Press Agency/Alamy

L'Amérique latine regorge de ressources naturelles vitales, mais elle doit faire face à la déforestation, à une perte rapide de sa biodiversité, à la pollution et aux changements climatiques. À une époque où les défis environnementaux se multiplient, elle se retrouve en première ligne dans la bataille pour l'avenir de notre planète.

Le conflit entre les intérêts publics et les intérêts privés est l’un des grands enjeux qui paralysent le continent dans ce contexte. Des intérêts partisans ont profité indirectement de la dégradation des écosystèmes et du pillage des ressources naturelles. Mais tout le monde paie le prix de ces agissements.

Beaucoup considèrent que l’Accord d'Escazú contribuera à résoudre ce problème. Cet accord est le premier traité relatif à la protection de l’environnement qui associe un groupe de pays d’Amérique latine et des Caraïbes, et il a été négocié avec la participation directe et très active de représentants de la société civile de toute la région. Il s'agit également du premier traité de ce type qui exige des États parties qu’ils promeuvent et protègent les droits de l'homme dans le domaine de l'environnement, notamment en ce qui concerne la participation du public à la prise de décision environnementale, la justice environnementale, l'accès à l'information et les droits des générations futures. Jusqu’à présent, les progrès en matière de mise en œuvre ont été inégaux. Certains pays peinent à approuver l'accord, tandis que d'autres soutiennent fermement l'initiative et élaborent de nouvelles lois pour en faciliter la mise en œuvre. 

L'Argentine a été l'un des premiers pays signataires de l’Accord d'Escazú. Par la suite, le processus de ratification a été semé d'embûches et, dans un contexte de changements politiques et de priorités concurrentes, le projet de loi a été mis en veilleuse. Toutefois, une forte coalition de parlementaires de différents partis fermement décidés à promouvoir l'environnement, les droits de l'homme et la bonne gouvernance a exercé la pression politique nécessaire pour que l’accord soit ratifié.

Lorsque, en septembre 2019, le Président argentin de l’époque, M. Mauricio Macri, a présenté le projet de loi portant ratification de l’accord, de nombreux parlementaires préparaient les élections à venir et étaient peu disposés à consacrer du temps à ce texte. Le Congrès de la nation n’a cependant pas abandonné le projet et, confrontés à une pression croissante, les sénateurs ont déposé une requête pour que la question soit débattue. La ratification a été approuvée en août 2020, par 70 voix pour et aucune voix contre, et le projet de loi a été adopté un mois plus tard.

Le long processus de ratification a donné lieu à une rare démonstration de soutien de l’ensemble des partis et a mis en évidence l’attrait de l’Accord d'Escazú tant pour Juntos por el Cambio que pour Frente de Todos, les deux principales coalitions du pays. En dépit des clivages politiques, l'accord a été accepté par les deux camps et a ainsi mis à l'unisson de nombreuses personnes sur le programme de l'Argentine en matière d'environnement. 

La ratification de l’Accord d'Escazú est un exemple remarquable de consensus politique en Argentine au cours de la dernière décennie. Le fossé politique semblait infranchissable à la suite des élections au Congrès de 2021, qui ont accentué les clivages existants. En effet, l’impossibilité pour le Parlement d’aplanir les divergences entre le parti au pouvoir et l'opposition était l'un des principaux obstacles à l'adoption d'une législation complémentaire, et cette paralysie législative compliquait considérablement l'élaboration des politiques publiques.

La stagnation économique a également conduit de nombreuses personnes à réévaluer l'utilisation des importantes ressources naturelles de leur pays. Dans un entretien avec la fondation Directorio Legislativo, la sénatrice Gladys Gonzáles a affirmé que les questions environnementales n'étaient pas une priorité pour les parlements. "Ces initiatives piétinent parce que les questions qu'elles soulèvent n’ont pas de place dans le débat public", a-t-elle déclaré, en appelant les militants et les organisations de la société civile à faire pression pour qu'elles soient inscrites à l'ordre du jour du Parlement.

L’Argentine n’a pas perdu de temps : depuis début 2023, le pays s'acquitte de ses obligations internationales au titre de l'Accord d'Escazú, qui exige des gouvernements qu'ils associent leurs citoyens aux discussions sur l'environnement. Aussi, dans le cadre de l'élaboration de son premier plan d'action national pour la mise en œuvre de l'accord, l'Argentine a ouvert une consultation publique. Les citoyens sont invités à discuter du renforcement des capacités des gouvernements, de la promotion d'un gouvernement ouvert, de l'association des citoyens et de l'amélioration des mécanismes leur permettant de participer dès le début aux initiatives proposées. 

Toujours dans le cadre de l'Accord d'Escazú, le Ministère de l'environnement et du développement durable a ouvert une autre consultation publique en 2023 sur un éventuel gisement pétrolier offshore. Les parties intéressées ont pu faire part de leurs commentaires et opinions sur une étude d'impact environnemental réalisée par Shell. Au total, 145 contributions ont été reçues, qui ont toutes fait l’objet d’un examen minutieux et donné lieu à une réponse, et le ministère statue actuellement sur l'octroi ou non d'un permis d'exploitation.

En Argentine, l'Accord d'Escazú a facilité la participation du public au programme national en matière d'environnement. Si la coordination entre toutes les branches du gouvernement est essentielle, l'exemple de l'Argentine met en évidence que la participation du public à l'action nationale dans ce domaine est également cruciale. 

L’UIP a réalisé une étude de cas sur la façon dont les parlements peuvent faire évoluer la législation pour promouvoir l’association et la participation du public. Cette étude de cas sera disponible prochainement. 

En savoir plus sur la campagne de l’UIP en faveur de climat Parlements pour la planète.